Le
« Grand Frère » de Jackie Chan et
Yuen Biao est
un cas à part dans le cinéma d’arts martiaux, un physique
grassouillet qui aurait du le cantonner dans des rôles de
« copain sympa », une coupe de cheveux
"au bol" digne
de Duguesclin, mais dès que la caméra se met à filmer, il
devient un véritable phénomène bondissant et effectuant des
acrobaties invraisemblables sans la moindre difficulté. Comme
quoi les apparences ne cesseront d’être trompeuses…
Sammo
Hung Kam-Po est un acteur de très bon niveau, possédant un
sens de la comédie hors-pair, mais également un réalisateur
de plusieurs perles du cinéma d’action hongkongais, un
producteur, et l’un des plus grands chorégraphes de l’ex
colonie, et en plus de cela il est également scénariste de
plusieurs de ses films. Vous avez dit complet ? Il a su
traverser toutes les époques du cinéma de Hong Kong, quand
les modes ne faisaient que passer. Il a côtoyé les plus
grands : Bruce Lee, Jimmy Wang Yu,
Jackie Chan, Jet
Li,
il est un témoin de l’histoire des quarante dernières
années de cette cinématographie qui nous fait tant rêver.
LE TEMPS DES
COPAINS
Les
grands talents finissant toujours par se croiser, Sammo sera
de la partie lorsque Tsui Hark révolutionnera le cinéma
fantastique hongkongais avec l’explosif Zu,
Warriors From The Magic Mountain.
Sammo
Hung est devenu une référence incontournable du cinéma de
la colonie britannique, sa grande notoriété en font désormais
un véritable décideur. Il crée plusieurs maisons de
production et a une nouvelle idée de génie, rassembler sur
un même écran les trois frangins de l’opéra de Pékin.
Jackie
Chan vient de subir en pleine face l’échec public de son Dragon Lord qui marque une sérieuse baisse de régime faisant suite
à une catastrophique expérience Hollywoodienne, lorsque
Sammo Hung a l’idée de rassembler le trio en Espagne pour
une comédie d’action explosive. Wheels
On Meals (Soif De Justice) est un succès immédiat et la
côte de Jackie remonte subitement. Dans
la foulée, fortement revigoré, Jackie met sur pied avec
l’aide de son grand frère un extraordinaire film
d’aventure mêlant comédie, kung fu et action au souffle épique,
son titre Project A (Le
Marin Des Mers De Chine), véritable chef d’œuvre du
genre et certainement le sommet
artistique du trio.
S’en
suivront, une comédie avec George Lam marquant les tous débuts
de Michelle Yeoh, The
Owl & Dumbo, une comédie lourde mais pas ennuyante
pour un sou, et une apparition dans le Pom Pom de l’acteur réalisateur Philip Chan.
Ce
dernier film débouchera sur une collaboration avec l’acteur
rigolo Richard Ng dans un délirant et avouons le très con My
Lucky Stars (Le Flic De Hong Kong) dans lequel Sammo
rassemble le gratin des comiques de l’époque à
l’exception des frères Hui, on y retrouve pêle-mêle :
Sammo lui-même, Eric Tsang, John Shum et Richard Ng tentant
de séduire la belle Sibelle Hu pendant tout le film. Yuen
Biao et Jackie Chan faisant une apparition un rien
anecdotique. Puis Winners And Sinners (Le Gagnant) toujours dans la même mouvance.
Dès
lors suivront tout un tas de comédies plus ou moins réussies,
un drame post Rain Man dans
lequel Sammo interprète le rôle d’un attardé mental (First
Mission), et
un explosif et marrant Yes, Madam dans lequel il s’amuse comme un fou aux côtés de Tsui
Hark, John Sham et Mang Hoi.
LE GOUT POUR
L’AVENTURE
Au-delà
de ses qualités de faiseur et d’artiste martial hors norme,
Sammo a toujours entretenu une certaine fascination pour la
grande aventure, ces grandes œuvres au souffle épique qui
entraîne le spectateur dans une douce folie euphorisante. Témoin
des grandes saga orchestrées par King Hu (A
Touch Of Zen, The Valiant Ones), il décide de mettre sur
pied deux superproductions possédant un sens de l’action
totale.
Le
premier, The Millionaire
Express (Shangai Express) est un western soja complètement
débridé (sans mauvais jeu de mots) dans lequel toute une
flopée de stars se croisent dans la joie, Kenny Bee, Cynthia
Rothrock et Richard Norton, les deux gweilos (voir le dossier
de J-L et Arnaud), mais également Yuen Biao, Cynthia Khan,
Eric Tsang, Olivia Cheng et même Jimmy Wang Yu. Véritable
manifeste de la bouffonnerie, ce film enchaîne avec une
incroyable facilité, des tonnes de calembours et autres
jurons dans une totale liberté de ton. On s’y amuse, ça
frappe, ça vole, ça tranche, ça saute, un spectacle total
comme seul Sammo sait les fabriquer.
Il
enchaîne dans la foulée avec un film de guerre fortement
inspiré du 12 Salopards de Robert Aldrich, il s’agit de Eastern Condors. Mélangeant une nouvelle fois les genres avec une
incroyable réussite, il met en image un véritable ovni
totalement dénué de bon sens dans lequel tout est permis. De
scènes d’actions ultra sophistiquées, il passe à des scènes
d’une rare violence, puis à de pures hallucinations
filmiques, des scènes à faire passer les plus grands films
d’actions hollywoodien pour des contemplations filmiques
Bergmaniennes. Une parfaite mise en application de la touche
hongkongaise, de ce qui fait de cette cinématographie un
spectacle entier, schizophrène et impur.
L’année
suivante, il enchaîne avec une nouvelle réussite majeure du
trio gagnant, l’excellent Dragons
Forever, superbe mélange de comédie et d’action aux scènes
de combats ahurissantes.
Dans
la foulée il produit l’excellent et meilleur épisode de la
série des Mister Vampire, en l’occurrence Mister
Vampire 3 avec toujours Ricky Lau derrière la caméra, et
une sympathique comédie sentimentale signé Alfred Cheung Paper
Marriage dans laquelle Sammo partage le premier rôle avec
Maggie Cheung.
SPECTACLE
TOTAL
L’année
d’après il réalise son second chef d’œuvre Pedicab
Driver, un excellent film de kung fu dans lequel il va
jusqu’à combattre le maître Liu Chia-liang dans une démonstration
grandiose, on croit rêver, et franchement je pense que tout
amateur de cinéma de kung fu ne peut que prendre son pied de
voir, même un court instant, disons le tout court les deux
plus grands chorégraphes de l’histoire du cinéma
hongkongais s’affronter sur un écran. Le spectacle est
grandiose et… ce film n’est toujours pas réédité, ce
qui est scandaleux.
Il
enchaînera ensuite sur toute une série de produits de
commande plus ou moins intéressants, dont un Island
Of Fire dans lequel il retrouvera un Jackie Chan venu
payer une certaine dette à Jimmy Wang Yu, un sympathique She
Shoots Straight, un girls with gun signé Corey Yuen dans
lequel il vient jouer le nettoyeur de service, etc...
LES ANNEES 90
Au
début des années 90, il réalise un Pantyhose
Killer assez moyen, une comédie policière se déroulant
dans les milieux homosexuels dans laquelle il fait preuve
d’une grande « subtilité », il partage
l’affiche avec le comique Alan Tam. Dans la foulée il
retrouve Karl Maka, cette fois sous la caméra de
Lau Kar Wing
dans un marrant Skinny Tiger And Fatty Dragon, un buddy-movie à l’humour dévastateur.
Sammo
a toujours eu un certain goût pour les comédies qui virent
au drame, dans ce sens il met sur pied, produisant et écrivant
le scénario de Slickers
Vs Killers , un thriller plutôt sombre qui montre un
Jacky Cheung dans l’un de ses rares rôles de salaud de
service. Dans le même registre, il sera une malheureuse
victime d’une brute interprété par Tommy Wong dans le Touch
And Go / Point Of No Return de Ringo Lam.
Entre-temps,
il aura produit le sympathique Operation
Scorpio qui renoue une dernière fois avec l’esprit éducatif
de l’art martial prôné par Liu Chia-liang.
SAMMO ET LE WU
XIA PIAN
Lorsque
l’on a assisté aux tournages des films de réalisateurs comme
King Hu ou Huang Feng, on ne peut qu’avoir une certaine idée
de ce que représente la chevalerie dans la cinématographie
hongkongaise. Dans cette optique, Sammo aura réussi un
fleuron du genre, l’un des plus beaux et un sympathique film
de fantaisie post Swordsman.
Le
premier Blade Of Fury
est un remake du Iron
Bodyguard de Chang Cheh dans lequel Sammo rassemble les
actrices, Rosamund Kwan et Cynthia Khan, tout en valorisant
s’il en était besoin les grandes capacités d’acteur de
Ti Lung. Excellent spectacle que l’on peut considérer comme
l’une des réussites majeures non seulement de Sammo lui-même,
mais comme l’une des meilleures illustrations du film de
chevalerie des années post Shaw Brothers. Pour l’anecdote,
ce film est produit par Lo
Wei.
Le
second, Moon Warriors est
un wu xia pian complètement délirant dans l’esprit des Swordsman,
dans lequel toute les limites sont repoussées dans un délire
des plus jouissifs. Il s’agit là encore de l’une des
meilleures réussites dans le genre. Andy Lau y partage
l’affiche avec Anita Mui et Maggie Cheung.
Sammo
Hung apparaîtra également dans le délirant Evil
Cult aux côtés de Jet Li. Il y dirigera les combats et
co-réalisera avec Wong Jing. Il sera également directeur des
combats sur le débile Eagle Shooting
Heores, que l’on peut considérer à juste titre
comme étant le film le plus frappé de tous les temps !
En
1994, Wong Kar-Wai fera appel à lui pour signer les combats
de son Ashes Of Time (Les cendres du temps).
En
1996 il jouera des rôles importants dans deux films intéressants,
il sera coach du boxeur Aaron Kwok dans Somebody
Up There Like Me et chef cascadeur dans le Ah
Kam d’Ann Hui.
LA CONQUETE DE
L’OUEST
En
1997, Sammo place deux de ses films parmi les plus grandes réussites
au box-office du nouvel an chinois. Il s’agit de Once
Upon A Time In China And America (Docteur Wong En Amérique),
dans lequel Jet Li reprend le rôle du bon docteur et Mister
Nice Guy (Mister Cool) avec Jackie
Chan. Ces deux films
ont la particularité d’exporter la manne créative
hongkongaise vers la grande Hollywood, de tenter d’effleurer
le rêve américain.
Les
deux films sont loin d’être des réussites majeures mais
ont le mérite de faire remarquer Sammo par les grands pontes
des majors américaines. En 1998, il fera ainsi une percée sur le
marché yankee par le biais d’une série télévisée dans
lequel il interprète l’officier de police Samo Law, son
titre Martial Law (Le
Flic De Shanghai). A l’aube de ses cinquante ans, le
cheveux grisonnant et le visage vieillissant, son aura demeure
intacte dès lors qu’il s’agit de montrer des prouesses
physiques. Il vient définitivement de s’imposer aux yeux ébahis
du monde. Ce personnage sera même repris dans un
épisode de la série Walker Texas Rangers.
Etant
sur place, il assistera Tsui Hark quand ce dernier aura l’idée
de « magnifier » Jean-Claude Vandamme dans deux
bouffonneries complètement déjantées, les désormais cultes
et nuls Double
Team et Knock Off.
RETOUR AU
BERCAIL
On
dit qu’il est toujours difficile de quitter ses racines,
parfois on y laisse ses inspirations, on y perd ses repères.
Peut-être que c’est happé par l’ouragan Tsui
Hark
qu’il décidera de rentrer à Hong Kong pou reprendre son rôle
dans le fulgurant Legend
Of Zu.
Les
retours se font parfois dans la douleur, preuve en est quand
il aura la très mauvaise surprise de croiser le nul Andrew
Lau qui croira une nouvelle fois tout révolutionner avec un
navet même pas digne de ce qualificatif, le navrant The
Avenging Fist. S’en suivra un wu xia pian parodique dont
le titre veut tout dire Flying
Dragon, Leaping Tiger.
Dernièrement
il a tenu un rôle majeur dans le polar Hidden
Enforcers et
a réalisé un Soul
Calibur issu du fameux jeu vidéo.
Il
apparaîtra prochainement dans le Around
The World In 80 Days de Frank Coraci et a réglé les
combats du dernier Jackie Chan, réalisé par Gordan Chan The
Medallion.
Voilà
à peu près, résumée la carrière de "Big Sammo", un grand
acteur torturé, un réalisateur viscéral et
jusqu’au-boutiste qui aura donné au cinéma d’arts
martiaux ses lettres de noblesse. Il n’aura pas fait que des
chefs d’œuvre c’est sûr, mais quel plaisir de revoir
aujourd’hui ses premières œuvres quand celles d’autres
ont très mal vieillies, les siennes ont gardées toute leur
splendeur, ce qui est l’apanage des très grands. Et Sammo
Hung est un des plus grands représentants du cinéma d’arts
martiaux, ce qui n’est pas rien.
Philippe,
Juillet 2003
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Sammo Hung (partie 1)
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