Un dur apprentissage.
Sammo Hung Kam-bo est né en 1950 à Hong
Kong. Fils d'une famille tawainese de 4 enfants, il rentre à 10 ans
dans la "Yu Zhanyuan's China Drama Academy" pour y
apprendre l'Opéra de Pékin. Au début, Samo est impressionné : il
sait tout de suite qu'il veut devenir acteur. C'est donc avec joie
qu'il rentre dans cette école où il rencontrera Jackie Chan l'année
d'après (celui-ci avait alors 7 ans) ainsi que Yuen
Biao, Corey Yuen Kwain
et Yuen
Wah. Avec d'autres élèves, ils formèrent un
petit noyau dur : les"Qi Xiao Fu" (que l'on peut traduire
par "les 7 petits garçons modèles" ou "les Sept
Petits Bonheurs") au sein duquel va naître une formidable
amitié qui va unir ces enfants, dont Samo restera à jamais le
"Grand Frère". Là, tous ces pensionnaires vont apprendre
les bases de l'opéra mais surtout les techniques martiales du Nord
de la Chine.
Pour plus de renseignements, reportez-vous au film Painted Faces
d'Alex Law (en 1988) qui relate leur dur apprentissage : il
est à noter que Samo Hung y joue le rôle du terrible instructeur
Yu Jim Yuen qui fera de ce petit rondouillard l'un des meilleurs
acteurs-cinéastes de HK ou au mini dossier
consacré à Jackie Chan et aux personnes qui ont compté. L'instruction y est donc assez spartiate
mais fera de ses élèves des futurs acteurs/chorégraphes de
premier ordre.
Un élève doué.
L'avenir lui donnera raison puisqu'il est
embauché un an après son entrée à l'académie par la Cathay pour
un petit rôle dans Education of Love de Robert Chung en 1961
(il avait donc seulement 11 ans), suivi de quelques autres comme Big
and Little Wong Tin Bar (62) ou Father and Son (63)...
Ses véritables débuts au cinéma.
L'Opéra de Pékin a de moins en moins de
succès vis à vis d'un public qui préfère maintenant plutôt se
tourner vers les salles de cinéma. Maître Yu est alors obligé de
fermer l'école. A 18 ans, Samo quitte celui qui lui a tout appris :
le chant, la gestuel de l'Opéra de Pékin et bien sûr les arts
martiaux. Malgré sa bonhomie, Samo est vite repéré par les grands
studios comme la Golden Harvest qui va l'employer en 1970 en tant
que cascadeur et instructeur en arts martiaux dans The Fast Sword
de Huang Feng. Avec le réalisateur, va alors commencer une longue
collaboration (ils resteront très liés). Samo fera toutes les chorégraphies
des films de Feng et bénéficiera de petits rôles. Il faut bien
dire que le physique de Samo ne ressemble pas du tout à celui d'un
jeune premier comme David Chiang ou
Ti
Lung. Ainsi donc, le gros
Samo va demeurer près de 10 ans le génial (mais en retrait) chorégraphe-acteur.
Les films sont honnêtes, mais se ressemblent tous. Quelques-uns
sortent du lot comme les King Hu (dont
A Touch of Zen est primé à
Cannes en 1975) et les Bruce Lee (c'est quand même bien Samo qui se
fait mettre la pâtée dans la scène d'ouverture d'Opération
Dragon) (cf la filmographie). Ses nombreux emplois de cascadeurs
le décideront finalement à créer sa propre boîte de cascades :
la "Hung Kar Ban" (le Samo Hung Action Group). Mais c'est
en 1977 que tout va changer pour Samo, son rêve se réalise : il va
enfin mettre en scène tous ce qu'il a rêvé.
L'un des inventeurs de la
kung-fu comédie.
C'est
avec le début de la kung fu comédie (dont il fut l'un
des plus fameux instigateurs) que tout le véritable talent
du gros Samo éclate au grand jour. Nous sommes en 1977,
Jackie Chan cartonne au
box-office avec Snake in the Eagle Shadow, l'année
d'avant, Karl Maka (l'autre
grand copain de Samo avec lequel il tournera bien plus
tard le fameux Skinny Tiger and Fatty Dragon en
1990) tourne The Good, the Bad and the Loser (qui
est considéré comme étant l'une des premières "kung-fu
comédie"). C'est décidé, Samo veut tourner. Son ami
Huang Feng l'aide en écrivant le scénario de son premier
film : Le Moine d'Acier aka Iron Fisted Monk.
La même année, notre ancien cascadeur signe les scènes
rajoutées aux Jeux de la Mort. Bruce Lee a vraiment
marqué Samo Hung. Il admet volontiers dans des interviews
que son idole était un véritable et redoutable combattant,
aux gestes extrêmement rapides et précis (ce qu'il a pu
constater lors du tournage d'Opération Dragon aka
Enter the Dragon, disponible en DVD). Cette admiration
va bizarrement déboucher sur Enter the Fat Dragon en
1978.
Jouant
de son imposant physique, à l'instar d'Oliver Hardy, Samo
va tout doucement imposer sa "Fat Boy Touch".
En effet, quel contraste quand vous voyez ce gentil gros
bénêt capable de devenir l'instant d'après une arme fatale,
souple et agile comme un félin ! Pour vous en convaincre,
HK VIDEO a récemment sorti quelques-uns de ses premiers
films. Sans attendre HK VIDEO, on avait déjà remarqué
son humour et son agilité dans des oeuvres bien plus connues.
De Samo, l'on connaît surtout son association avec son
"frère" Jackie Chan.
Cette collaboration est cependant (bizarrement) tardive.
Bien que l'on ait pu les apercevoir ensemble dans le vraiment
pas terrible Hand of Death de John Woo en 1975,
il faudra encore attendre 1983 pour les revoir réunis
à nouveau dans Le Gagnant. Cependant, la
longue attente en vaut la chandelle puisqu'elle aboutira
à quelques petits bijoux. Tantôt mis en scène par Jackie,
tantôt par Samo, le milieu des 80's sera riche en "cult
movies" : aussi bien les deux Project A que
Dragons Forever et les Lucky Stars ... Tous
ces films disponibles au vidéoclub, j'espère que vous
les connaissez !
L'inventeur de la "Ghost
Kung-Fu Comedy"
Parallèlement aux différents
succès remportés par les "kung-fu comedies",
un sous-genre allait apparaître. Peut-être inspiré par
Les
Sept Vampires d'Or (1974) et les autres films
d'horreur de la Hammer (style Dracula), sûrement par Le
Bal des Vampires de Polanski, Samo vit l'intérêt que
pouvait succiter le fantastique et la comédie, et les
agrémenta de kung-fu : il venait de créer en 1980 sa recette
miracle avec pour premier exemple le fameux Exorciste
Chinois (Encounter of the Spooky Kind). Le succès
est tel qu'il est vite suivi d'autres succédanés, presque
tous sous la houlette du Maître ou de celle de son nouveau
compagnon : Wu Ma (le célèbre
taoïste rappeur des Histoires de Fantômes Chinois).
Tous ces films ont aussi un autre point commun : ils
ont (presque) tous un personnage central : le prêtre taoïste
exorciste incarné par l'inamovible
Lam Ching Ying (mort fin 97)(Pour les intéressés,
l'un des derniers du genre Magic Cop (1990) aka
Mr Vampire 5 était sorti chez Eastern Heroes Video).
Finalement, de 1980 à 1991, Samo Hung aura participé à
une petite quinzaine de ce genre assez particulier.
Avec les récents succès des Scream et l'arrivée prochaine
du nouveau millénaire, peut-être que le retour des "Ghost
Kung-Fu Comedies" est plus proche que l'on ne croit...
Samo Hung et les
superproductions
La
machine Samo est lancée, tous les succès qu'il a rencontrés
en Asie ne lui suffisent plus : il veut maintenant conquérir
le monde. Pour ce faire, il n'hésite pas à mettre le paquet
: de grands acteurs (orientaux et occidentaux), de grands
décors, des gros moyens. A l'arrivée, on obtient en 1986
les spectaculaires Shanghai Express et Eastern
Condors. Même s'ils n'ont pas eu la gloire d'une sortie
au cinéma en France, ils avaient le mérite de donner du
grand spectacle, un peu à la manière hollywoodienne. Par
contre, son ami Jackie Chan
cartonnait partout : il réussit à caser (presque) tous
ses films ... (seul lot de consolation : Samo fait partie
de l'équipe). Autre consolation et pas des moindres :
il rencontre l'amour en la personne de l'actrice Joyce
Mina Godenzi qui apparaît en guerrière vietnamienne dans
Condors Commando. L'autre égérie de Samo est je
vous rappelle Michelle Yeoh
qu'il découvrit en 1984 pour son drolatique The Owl
VS Bumbo. Pour en revenir à Joyce, cette splendide
métisse (son papa est australien et sa maman est chinoise)
fut élue miss Hong Kong en 1986. On a pu également l'apercevoir
avec son homme dans Spooky Spooky (86), mais surtout
les très efficaces Lethal Lady / She Shoots Straight
(90) et Slickers VS Killers (91) que je recommande.
Le retour aux sources
Suite à ces demi-échecs, Samo revient au
style qu'il affectionne, il se remet à faire ses petites comédies
remplies d'un kung-fu de première qualité. C'est aussi le moment où
le cascadeur-acteur-chorégraphe-réalisateur devient également
producteur. En créant la BO HO FILMS COMPANY et BOJON , il produira
aussi bien des polars nerveux comme Yes Madam (Le Sens du Devoir
2), Blonde Fury, des "Ghost Kung-Fu Comedies"
comme la saga des Mr Vampire, et des "Kung-fu Comedies
comme Where's Officer Tuba ? et Opération Scorpio ... Cette
période permet de découvrir ébahi l'un des meilleurs films (pour
moi et quelques autres) de Samo : Pedicab Driver (1989).
Cette production assez coquette est la quintessence même de
l'artiste martial. Se déroulant dans le Macao des années 30, on
peut situer le film entre le Big Brother de Jackie Chan et Opération
Scorpio. En effet, en reprenant les décors de l'un et les
acteurs de l'autre dont Liu Chia Liang qui fait une démonstration
de son savoir-faire face à un Samo au mieux de sa forme (ne pas
manquer la confrontation finale avec Billy
Chow), cela donne à Pecicab
Driver un goût de "reviens-y" (comme on dit chez
moi).
Samo surfe sur
la "Nouvelle Vague"
1991 : Tsui
Hark casse la barraque avec Il était une Fois en
Chine. La déferlante des films "new-wave"
s'abat sur l'Asie. Samo ne pouvait donc légitimement pas
laisser les autres mangeaient le gâteau en entier : il
lui fallait aussi sa part. Hélas, ses deux incursions
(à la réalisation), même si elles sont terriblement efficaces,
ne réussissent pas à se faire démarquer (par le public
et par la critique).
Moon Warriors et Blade of Fury ne reste pas dans la mémoire
collective. Même quand Samo n'est que chorégraphe, il ne récolte
pas l'enthousiasme dont bénificiera Tsui
Hark, Jackie Chan et ...
Wong Jing (encore lui !). Evil Cult (la suite prévue n'a
jamais été tournée) et Les Cendres du Temps (qui n'a eu
qu'un succès d'estime en dehors de Hong Kong) sont là pour en
attester. Seul peut-être Eagle Shooting Heroes peut s'ennorgeuillir
d'avoir eu un certain enthousiasme. Bon, je sais, comme exemple de
Wu Xia Pian, j'aurais pu trouver mieux, mais j'y peux rien : les
chiffres sont là.
Finalement, le seul succès que Samo remportera, ce sera avec l'un
de ses anciens "ennemis" : Tsui
Hark. En dirigeant pour
lui le 6° opus de la célèbre saga Once Upon a Time in China :
Dr Wong en Amérique, il s'offre (enfin en 1997 !) un bon score
au box-office. Bon, là aussi, c'est pas vraiment ce que l'on espérait
de lui, mais ne boudons pas notre plaisir, y'a quand même des bons
morceaux de bravoure à sauvegarder de cette première tentative
d'incursion sur le territoire ricain.
Un repos bien mérité
Samo est fatigué : la fièvre de
productions, de réalisations, d'inventions de styles qui le caractérisaient
dans les années 70-80 semblent s'évanouir. Durant ces 4 dernières
années, le grand Samo n'apparaît que dans 7 films (dont 2 seulement
à la réalisation). Ca y est, cette fois-ci, le héros est fatigué.
Approchant bon an mal an la cinquantaine, il ne peut plus rivaliser
avec les blockbusters hollywoodiens que le public va voir en
masse, les films branchés de la nouvelle génération, les StormRiders et consorts. Il se contente donc maintenant de chorégraphier
les films des autres, les Tsui Hark sauce Van Damme. Va t-on voir
doucement disparaître ce dinosaure, ce mammouth du cinéma HK ? Eh
bien, peut-être pas encore maintenant. En effet, notre gros Samo
n'est pas encore mort et il le fait savoir d'un endroit dont il a
toujours rêvé.
Samo va-t-il imposer sa
"Loi" ?
En
1988, juste après l'énorme succès d'un certain Rush Hour,
on propose naturellement à son héros (Jackie Chan en
l'occurrence)
de venir jouer dans une nouvelle série policière américaine. Le
concept se rapprochant trop du film susdit, la star refuse de se
laisser enfermer dans un carcan stéréotypé. On demande alors à
son "grand frère" Samo qui fini par accepter. Le Flic
de Shanghai (Martial Law) qui est produit par Jeremy Litman et
surtout par Stanley Tong (le célèbre cascadeur-chorégraphe de
nombreux Jackie Chan) peut maintenant commencer. Je ne suis pas
déçu de la part de cette série qui se veut avant tout familial (d'ailleurs
ma femme et mes deux filles adorent) : les combats chorégraphiés
par des spécialistes de HK sont bien plus péchus que le meilleur
des feuilletons du genre, la philosophie de salle de bain qui est diluée
à chaque épisode vaut aussi bien que celle véhiculée dans le
célébrissime
Kung Fu avec le (maintenant sénile) David Carradine, les
filles sont jolies... Bref, que du bon (pour un pur produit je le
répète commercial calibré "familial"). Petit bonus rappelant
la "touch" Jackie Chan : le
bêtisier de chaque
épisode avant le générique de fin (cela permet d'entrevoir l'équipe
technique et les difficultés (des débutants) que Samo a avec la
langue anglaise. Seul petit bémol : l'arrivée en cours de saison
du black rigolo de service qui en fait des tonnes et qui finit
franchement par agacer.
Anonymement reconnu dans le monde entier par le
biais des chorégraphies des films US de Tsui Hark (Double Team et
Piège à Hong Kong), Samo espère maintenant que le public
américain (et le reste du monde occidental) saura le reconnaître.
D'après les très bons scores obtenus sur CBS le samedi soir (plus
de 15 millions de téléspectateurs) et l'engouement asiatique créé
par des gros succès comme Matrix, L'Arme Fatale 4, Rush Hour ...
Sammo est même apparu dans un épisode d'une autre série
américaine Demain à la Une. Espérons que Samo saura se faire une place sous le soleil
Californien, c'est tout le mal qu'on lui souhaite !!!
Jean-Louis (octobre 1999)
Maj : Hélas pour lui, le bilan 4 ans après
est plutôt mitigé. Sammo est revenu parmi les siens, figurant dans le
pitoyable Avenging Fist. Est-ce qu'il a été déçu de son voyage aux
USA ? Je le pense car il a tourné une nouvelle série policière
d'action... mais cette fois en Chine Continentale !
A lire aussi : le
portrait de Sammo Hung par Philippe Quevillart (en 2
parties !)
Lien : Le
site officiel français de la star Sammo
Hung
Bibliographie sur
Samo Hung
Pour faire ce petit portrait, je me suis basé sur quelques
articles parus dans divers bouquins (voir Guide
HK du site). Voici les références pour ceux
qui en voudrait savoir davantage sur ce grand cinéaste :
- HONG KONG ACTION CINEMA de Bey Logan (p 84 - 99) : 25 pages en anglais
(dossier très complet).
- THE ESSENTIAL GUIDE TO THE BEST OF EASTERN HEROES de Rick Baker et
Toby Russel (p 14-17) : portrait de Samo Hung en parallèle de celui de
Leung Kay Yan (bio reprenant le dossier plus complet parû dans le
magazine n° 3 p 8 - 12 + article sur Skinny Tiger and Fatty Dragon).
- HONG KONG BABYLON de F. Dannen et B. Long (p 91-94) : bio + filmo
assez complète.
- NOUVELLE CHINES NOUVEAUX CINEMA de Bérénice Reynaud (p 179-181) :
bio + filmo p 305 (de ses réalisations).
- CINE KUNG FU des frères Armanet (p 168-177) : dossier sur les
origines de la "Kung-Fu Comedy" inaugurée par les frères
Hui, Karl Maka et Samo. |