Les origines - Les
débuts - Et Zuuuu ! - Karl
Maka - La Film Workshop - Peking
Opera Blues
John Woo et les jolies
fantômes - Tsui le producteur - The
Killer
Adieux
aux maîtres et tentative de récupération des mythes - Le
temps des chevaliers
"Il
est excellent dans son genre, mais il travaille très très vite,
souvent trop vite..." Leslie Cheung
"Ses
films revisitent les grands mythes de la culture chinoise en
utilisant des moyens techniques proches du cinéma
occidental" James Wong
"Il
pense beaucoup plus vite qu'il ne parle..." Maggie Cheung
"Le
problème avec Tsui est qu'il a toujours des millions d'idées et
une vision bien à lui des films qu'il produit" Kirk Wong
"Il
est partout à la fois" Julien Carbon et Laurent
Courtiaud
"...
Tsui est un réalisateur exceptionnel, mais c'est aussi un type
hypersensible, toujours sur la défensive, à la limite de la
paranoïa" Terence Chang
|
Voilà
quelques phrases qui résument plutôt bien la personnalité de
celui qui a donné au cinéma de Hong Kong ses plus beaux joyaux
cinématographiques. A la fois auteur, producteur, réalisateur,
acteur de ses histoires il a fait la pluie et le beau temps dans
l'ex-colonie. Tantôt vénéré, tantôt décrié, l'homme à la
barbichette est un personnage hors pair qui a su alimenter
l'industrie d'une véritable manne d'inspiration. John Woo, Ching
Siu-Tung, pour ne citer que ces deux-là ont signé leurs plus
grands films sous le patronage de Tsui Hark. Zu, Il Etait Une
Fois En Chine, L'Enfer Des Armes, Butterfly Murders, Green Snake,
The Lovers... autant de titres indispensables, autant d’œuvres
essentielles qui on fait, font et continueront toujours de nous
faire rêver.
Les
origines
Tsui Hark est né au Vietnam en Février 1951 dans une famille
chinoise. Ses parents souhaitent le diriger vers des études en
pharmacie, mais ce dernier passe son temps dans les salles de cinéma
et tourne rapidement des films en super 8. Il partira faire ses études
supérieures aux États-Unis, à l'université du Texas. En tant
qu'immigré il se met à s'interroger sur ses origines, ce qui débouchera
sur deux court-métrages documentaires. Le premier projet, parlant
des premières vagues d'immigrés chinois aux États-Unis,
avortera. Le second, narrant la construction du chemin de fer américain
par des chinois portant le titre de From Spikes To Spindles.
Se
sentant en mal de sa propre culture, en perte de contact avec ses
origines, il décide de repartir à Hong Kong en 1977. La télévision
hongkongaise est alors en plein essor et les opportunités d'y
entrer sont très importantes. Les chaînes recherchent de
nouveaux talents pour mettre en scène des épisodes de leur
soap-opera cantonais, les séries comme The Family, The Tycoon,
Love Little Of The Big Boss, etc... C'est sur ce genre de
produits que Tsui fera ses premières armes, il collabore à
plusieurs épisodes de la série en costumes Golden Dagger
Romance.
Les
débuts.
Sa première incursion sur grand écran, il la fait avec un film
en costumes sur fond de mystères et d’agressions animales. Il
s’agit de Butterfly
Murders, une production Ng See Yuen. Mélangeant subtilement
plusieurs influences occidentales en les formatant à la sauce
hongkongaise, il réussit un curieux mélange de thriller médiéval
et de wu xia pian traditionnel. Le film est un échec au
box-office. Malgré cet échec, il est remarqué par la critique.
L’année
suivante, en 1980, il revient avec un film d’horreur
tragi-comique avec un titre qui sent fortement la provocation, We’re
Going To Eat You
(Histoire de cannibales). Une question qu’il semble poser au
spectateur, l’invitant volontiers à un festin dans lequel les
protagonistes se délectent de viande… humaine ! On sent
une nouvelle fois les influences occidentales dans un film profondément
nihiliste au final saisissant, allant complètement à contre sens
de l’attente du public. Il lui fait offrande, un cœur arraché
encore battant… le nihilisme atteint son sommet, et c’est désormais
une certitude, Tsui Hark est un fou génial.
Son
troisième film est qualitativement, et d’assez loin, son
meilleur et son plus abouti. C’est également son plus
jusqu’au-boutiste. Un film quasiment inclassable, socialement très
tendancieux, et traité sans aucunes concessions, son titre :
Dangerous Encounter 1st
Kind, rebaptisé chez nous L’Enfer
Des Armes. A noter que c’est l’éditeur Scherzo
qui sous l’égide d’un certain Christophe Gans aura le courage
de l’éditer
en vidéo. A mi-chemin entre le polar dur et le pamphlet
anarchiste, ce film fait un véritable scandale et la censure a tôt
fait de l’interdire purement et simplement. Ce n’est pas tant
la violence, qui même si elle est présente, pourrait paraître
aujourd’hui bien timide, qui fera se tirer les cheveux des gens
de la censure, mais le fait de montrer de jeunes gens commettre
des actes de terrorisme. Afin d’éviter un fiasco, économiquement
parlant, Tsui sera obligé de retourner quelques scènes et de
recentrer l’intrigue. Malgré cela le film reste d’une très
grande puissance et conserve actuellement encore toute sa portée
dramatique. Dès à présent Tsui Hark est considéré comme un
auteur à part entière, une sorte d’empêcheur de tourner en
rond qui a décidé de bousculer les conventions et il le fait
savoir. Quand Tsui est en colère, il est capable de tout…
Et
Zuuuuuuu….
En 1981, un certain Karl Maka par le biais de sa maison de
production Cinema City propose à Tsui Hark de réaliser une comédie All
The Wrong Clues avec l’acteur Teddy Robin Kwan. Loin d’être
un chef d’œuvre, cette comédie a au moins le mérite de
relancer la côte de rentabilité de Tsui. Le film est un énorme
succès au box-office et c’est paradoxalement sur un film disons
plus standardisé qu’il décroche un trophée, un Golden Horse
de meilleur réalisateur.
Entre
temps il aura fait une rencontre déterminante dans sa vie,
puisqu’il épousera la productrice Nan Sun Chi, qui
deviendra non seulement sa compagne, mais également la
co-fondatrice de la future Film
Workshop.
En
1983, le choc naîtra avec un film qui va déchaîner les
passions, il s’agit d’un film d’heroic-fantasy qui se veut
la réponse chinoise au Star Wars de George Lucas. Son titre sonne comme un cri de guerre Zu,
Warriors From The Magic Mountain, le film par lequel arriva la
folie. Vous est-il déjà arrivé de vous prendre une mouche à
150 km/h en pleine figure ? Ou de vous lancer dans un grand
huit sans être préalablement attaché… Tel fût ce que reçu
à la face le public qui à l’époque pu découvrir cet OFNI
complètement hallucinant. Une vitesse de narration qui peut-être
fatale aux non-initiés, des chorégraphies ahurissantes, des
couleurs flamboyantes, un monde dans lequel des chevaliers volent
et manient l’épée à une vitesse foudroyante. Tel est
l’univers de Zu, un
subtil et génial mélange de film de sabres traditionnel et de
fantastique avec monstres et sorcières. Le merveilleux côtoie
l’extraordinaire dans ce film révolutionnaire qui deviendra une
sorte de mètre étalon pour tout ce qui se fera après. A Hong
Kong, il y a avant et après Zu.
Malheureusement
le film qui aura coûté une fortune, on parle du plus gros budget
de l’histoire du cinéma hongkongais, ayant bénéficié entre
autres des services de techniciens des effets spéciaux américains
ayant officié sur Star Wars, sera un nouvel échec au box-office. Tsui Hark sera obligé
de tourner une nouvelle comédie afin de redorer son blason.
Karl
Maka
Entre temps il aura fait l’acteur chez son ami,
l’acteur réalisateur et ex-star du rock des sixties Teddy Robin
Kwan. Une autre comédie All The
Wrong Spies, assez fine, produite également par la Cinema City de Karl Maka.
En
1984, toujours sous l’égide du producteur et acteur chauve, il
mettra en boîte le troisième volet de la série des Aces
Go Places. Une suite alimentaire aux deux premiers épisodes
signés Eric Tsang. De ce pastiche des films de James Bond à la
sauce comique dans lequel l’acteur chanteur Sam Hui interprète
le rôle principal aux côtés de Karl Maka alias Kody Jack et
l’acteur américain Richard Kiel (le géant aux dents d’acier,
Jaws dans Moonraker).
Tsui étant un instable, et surtout peu décidé à ne pas être décisionnaire
à 100 % sur ses réalisations se fâche avec ses producteurs et
quitte le tournage du film en cours. Il claque la porte, il est
encore en colère.
La
Film Workshop
C’est donc en Avril 1984 qu’avec son épouse, il décide
de créer sa propre maison de production qu’il définit lui même
comme un véritable atelier de travail donnant libre cours à
l’imagination des réalisateurs et toute latitude de
s’exprimer… simple discours d’intention. Lorsque Tsui Hark
est en colère, il fonde la Film
Workshop, et les autres n’ont qu’à bien se tenir.
Il
s’accaparera de toutes les forces vives du cinéma de la colonie
, tous les créateurs, tous les grands courants se devront de
passer par lui. Tsui Hark deviendra quasiment à lui seul, le cinéma
de Hong Kong.
Son
premier film pour sa toute nouvelle maison de production est un délicieux
mélange de mélodrame, de comédie dramatique et de comédie
musicale. Shanghai Blues qui réunit les actrices Sylvia Chang et Sally Yeh,
ainsi que l’acteur Kenny Bee est non seulement une très grande
réussite formelle, mais également artistiquement parlant. Il
relate l’histoire de trois personnages, une chanteuse de
cabaret, une paysanne et un chanteur de cabaret dans le Shanghai des années 20, qui se croiseront et s’entrecroiseront dans un
triangle amoureux magnifiquement mis en scène. Esthétiquement,
on touche à la perfection avec ce film qui se veut un hommage à
la comédie musicale américaine. Très remarqué dans divers
festivals du monde, ce film entérinera définitivement la réputation
d’auteur de Tsui Hark. La
Film Workshop vivra…
L’année
suivante, afin d’être sûr de rentrer dans ses frais, il mettra
en scène une comédie sur fond de lutte des classes avec Sam Hui,
Teddy Robin Kwan et lui-même. Working
Class est traité sur ton beaucoup trop léger, et rate le
coche. Bien que ne révolutionnant pas la comédie, son film est
tout de même un véritable pamphlet pro-Marxiste, revoyez-le, les
messages sont flagrants.
Nous
sommes en 1985, et Tsui fait une rencontre capitale avec le futur
maître du héro-movie, il s’agit de John Woo. Il interprète
l’un des rôles principaux d’une comédie pas très marrante
signé par le future réalisateur de The Killer. Son titre Run,
Tiger Run... et surtout ne t'arrêtes pas !
Peking
Opera Blues
Il y a des œuvres qui marquent la carrière d’un réalisateur.
Pour leurs qualités, ces œuvres sont reconnues non seulement par
les fans, mais aussi des hésitants et des détracteurs qui
refusent parfois d’ouvrir les yeux. Peking Opera Blues est un film qui prouve que Tsui Hark est un grand
réalisateur. Une preuve indéniable de ses grands talents à
fabriquer de l’image avec toujours un sens affûté et une
grande maîtrise de l’esthétisme. Rarement un film n’aura réussit
avec autant de bonheur le mélange des genres que ce Peking
Opera Blues. Narrant les aventures de trois magnifiques
personnages féminins dans la Chine post révolutionnaire de 1913,
ce flamboyant panaché de comédie et d’aventure toujours esthétisant,
fait naître une véritable émotion. Les interprètes sont justes
et beaux, et une immense actrice apparaît plus belle que jamais.
Véritable idéal féminin, élégante et gracieuse, ancienne
princesse des glaces dans le monde Zu, la belle Brigitte Lin Ching-Hsia
marque cette œuvre forte, véritable trésor du cinéma de Hong
Kong et du cinéma tout court.
Un
film qui prend toute sa dimension après 10 projections, et ainsi
de suite. Un chef d’œuvre qui rend heureux, car la beauté est
palpable, et cette musique… enivrante…
John
Woo et les jolies fantômes
Dorénavant, quasiment plus rien ne peut se faire sans
l’approbation de l’homme à la barbichette, il a vampirisé la
cinématographie hongkongaise, il l’a fait sienne et lui a donné
sa matière créative.
En
1986, il produit pour la première fois le film d’un autre.
Premier choix, et quel choix ! Son grand flair le fait
choisir John Woo pour réaliser un héro-movie flamboyant et
ultra-violent avec des acteurs magnifiés par une caméra poétique.
Chow Yun Fat, Ti Lung, Leslie Cheung… point besoin d’en
rajouter. A Better Tomorrow
(Le syndicat du crime) promet des lendemains meilleurs et atteint son
but, le film fait un véritable carton au box-office, les flingues
se mettent à chanter et John Woo devient l’auteur du polar
ultra-violent. Tsui Hark, lui, est un producteur heureux, mais un
peu jaloux…
L’année
1987 et plus particulièrement la réalisation du film A
Chinese Ghost Story
(Histoires de fantômes chinois) et très importante pour plusieurs
raisons. Primo, car le film officiellement réalisé par le chorégraphe
Ching Siu-tung est une merveille de réalisation esthétisante et
poétique. Ensuite car Tsui Hark y fait l’une des rencontres les
plus importantes de sa carrière avec un chorégraphe de génie,
fils du réalisateur Shaw Brothers Cheng Kang. De plus, ce film
est, on peut quasiment l’affirmer, LE film qui a révélé la
folie ambiante et jouissive du cinéma de la colonie aux yeux de
l’Occident. Marc Toullec de Mad Movies croyait rêver et nous
avec. Lequel d’entre vous n’a pas vu et revu les jolies
renardes effectuer de gracieuses figures aériennes dévoilant
l’espace d’un instant leur beauté érotique, une épaule de
laquelle glisse un voile fin ? Qui n’a pas crû rêver en découvrant
tant d’inventivité visuelle ?
Histoires
De Fantômes Chinois
a marqué beaucoup d’esprits pour sa totale liberté, son grand
souffle émotionnel, son esprit bon enfant et sa beauté formelle.
A
Hong Kong il se dit que Tsui Hark a laissé très peu de choix à
Ching Siu-tung d’exprimer ses choix, à la vue du résultat
final, on ne s’en plaint pas. Remake d’un vieux film du vétéran
Li Han-Hsiang, The
Enchanting Shadow, ce film est un formidable mélange de
fantastique merveilleux et d’épouvante (avec des références
au génial Evil Dead de
Sam Raimi), le tout baignant dans une délicieuse démonstration
esthétisante teintée d’un doux érotisme. A noter que ce film
marque également les débuts de la toute nouvelle Cinefex
Workshop, un laboratoire d’effets spéciaux créé par Tsui Hark
en 1986.
Entre
le réalisateur et le producteur, il naît parfois un certain
paradoxe, celui d’un génie qui peut devenir despote. En 1987,
il pousse John Woo a réalisé une suite à son A
Better Tomorrow, que ce dernier désavouera. Malgré tout un
tas de tiraillement, l’œuvre s’en sortira tout de même aisément,
proposant de faire du film de gunfights un véritable wu xia pian
moderne, remplacez les flingues par des sabres et vous obtiendrez
un véritable film de capes et d’épées dans la grande
tradition chinoise. Les références sont indéniables, le vieux
maître Chang Cheh a marqué les esprits des deux hommes et ça se
ressent dans ce véritable délire jouissif dans lequel les armes
chantent, un chant funèbre dédié à l’héroïsme du vieux maître
de la Shaw Brothers.
Tsui
continue d’être en colère et ça, ce n’est pas une mauvaise
nouvelle…
Tsui
le producteur
Aimant faire le clown, il sera à l’affiche du sympathique Yes,
Madam de Corey Yuen aux côtés de
Samo Hung. Parenthèse en
forme d’amusette avant le grand chambardement.
Ce
goût pour la comédie se concrétisera de nouveau dans un héro-movie
signé Patrick Tam (l’un des réalisateurs de la nouvelle vague
hongkongaise), The Final
Victory.
En
1988, il confie au très peu réputé Andrew Kam, la réalisation
d’un polar ultra-violent, voir gore, The
Big Heat. Très bon polar avec un excellent Waise Lee dans la
peau d’un policier névrosé. Certainement énervé par le
manque de savoir faire du réalisateur, Tsui fera appel à Johnnie
To afin de reprendre les rênes du film.
Tsui
Hark sait se souvenir, il a toujours avoué ses références, ses
inspirations. C’est dans cette optique qu’il confiera au vétéran
et génial réalisateur de plusieurs chef d’œuvres
avant-gardistes Chu
Yuan, la mise en scène d’une comédie délirante.
Son titre : The Diary
Of A Big Man, journal d’un Chow Yun Fat tentant vainement de
se dépêtrer d’une situation dans laquelle il s’est lui-même
empêtrer. Joey Wong et Sally Yeh jouent deux épouses trompées
par… un même époux, Chow himself.
Réalisation
en roue libre, humour très fin, suite de quiproquos complètement
délirants, ce film demeure une référence de la comédie
cantonaise. A ce propos, les producteurs actuels feraient bien de
s’en inspirer afin de redorer un blason peu glorieux…
Après
avoir produit un Laserman dont
le résultat final déplaira tellement à Tsui, qu’il décidera
de ne pas le sortir, il passe à la production d’un autre film
de science-fiction. Réalisé par un honnête artisan, David Chung,
I Love Maria
aka
Roboforce
est un sympathique pastiche du Robocop
de Paul Verhoeven en version féminine. Le robot interprété
par l’actrice Sally Yeh est appelé Maria en hommage au robot du
Metropolis de Fritz
Lang. Les acteurs John Shum et Tony Leung Chiu-Wai, participent
au reste du casting dans lequel Tsui Hark interprète le rôle
principal, celui d’un détective alcoolique hilarant. Au final,
le spectacle est très agréable à suivre et décoche au passage
le prix des meilleurs effets spéciaux au festival du Grand Rex.
The
Killer
Il est facile lorsque l’on parle du western de faire référence
à John Ford ou à Sergio Léone, ou de citer Jean-Pierre Melville
lorsque l’on parle du polar à la française. A partir de 1989,
il sera aisé de citer un film de John Woo lorsque l’on évoquera
le héro-movie. 1989, la grande année de réalisation du chef
d’œuvre définitif de John Woo, un chef d’œuvre impérissable
et qui aura marqué tous les esprits, The
Killer. Le titre se suffit à lui même. Et dire que Tsui Hark
n’avait pas donné à John Woo son consentement pour tourner
cette œuvre, et que sans l’aide de Chow Yun Fat rien ne se
serait fait. Le résultat donnera ce que l’on sait, un grand
film, un chef d’œuvre. Une magistrale claque dans la gueule à
toute perspective de désacralisation du genre. Le héro-movie est
Wooien et Tsui vient de se prendre une baffe, il est jaloux…
Adieux
aux maîtres et tentative de récupération des mythes
Le vieux Chang Cheh se sentant fatigué aura la reconnaissance de
ses nombreux élèves qui se mobiliseront pour lui assurer une
retraite méritée. Ce sera Just
Heroes que John Woo, le fils spirituel, co-réalisera avec Wu
Ma et que Tsui Hark produira. Un film qui s’il n’atteint pas
les sommets de l’héroisme Wooien a le mérite de rassembler un
sacré casting : David Chiang,
Chen Kuan Tai,
Ti Lung… on
arrête là ?… non !… Danny
Lee, Wu Ma, Stephen Chow…
et reste un très bon spectacle qui ne laisse que très peu de
place à l’ennui.
Dans
la foulée, Tsui confiera à David Chung la réalisation d’un
vieux projet qu’il comptait un temps réalisé lui même. Il
s’agit d’un thriller à la Hitchcok, Web Of Deception avec l’actrice Joey Wong. En résultera un film
superficiel et pas assez jusqu’au-boutiste, tiraillé par un
trop plein d’influences.
Après
trois années de productions et de frustrations diverses, Tsui
revient à la réalisation avec une tentative de récupération du
mythe que John Woo aura mis en œuvre avec ses deux Syndicat
Du Crime. L’homme à la barbichette souhaite donner une âme
à ses personnages et parle de sa ville natale avec une certaine
nostalgie, il envoie Mark, alias Chow Yun Fat, côtoyait une
princesse du flingue en plein conflit vietnamien. Il s’agit de A
Better Tomorrow 3 : Love And Death In Saigon , une
œuvre qui veut parler de mort et d’amour. Le spectateur se
sentira trahi, tellement l’œuvre est une sorte de négation des
thèmes chers à John Woo, une tentative de désacralisation. Il
semble que Tsui Hark cherche à venger un affront, quelqu’un, un
autre réalisateur, un ami, a réussit sur un autre terrain que le
sien ! Tsui est en rogne !...
Le
temps des chevaliers
… lorsqu’il est en colère, il peut péter les plombs comme
avoir l’idée de redorer le blason du chevalier dans le wu xia
pian. Il pense à King
Hu, l’un de ses maîtres et inspirateurs pour
mettre sur pied un film de sabres très nostalgiques, mais avec
une vitesse de narration plus rapide, une tentative d’en montrer
le plus possible en un minimum de temps. Le film en question, Swordsman,
un cocktail survitaminé de fantaisie et de film de sabres
traditionnel. Trouvant le vieux maître trop lent et sans doute
peu enclin à subir les multiples changement de caps orchestrés,
il lui demandera de se retirer et confiera la réalisation à
l’un de ses sergents, en l’occurrence Ching
Siu-tung, puis à
des amis, Raymond Lee, Ann Hui et lui même. Le film est un
spectacle furieusement hallucinant, une vitesse de narration quasi
imperceptible pour le spectateur lambda et même les autres, je défie
quiconque de raconter cette histoire rocambolesque, une folie
visuelle de tous les instants. Ce film aura relancé le genre et
de là naîtront tout un tas de rejetons plus ou moins indignes.
Retour
ensuite à la production disons plus standardisée avec Spy
Games qui comme son titre l’indique, parle d’espionnage.
Le film est assez platement filmé par le génial monteur David
Wu.
Puis
ce sera une suite aux Histoires
De Fantômes Chinois. Cette fois Ching Siu-tung semble
disposer de plus de liberté, en résulte un spectacle complètement
fou visuellement avec notamment un Jacky Cheung génial en épéiste
cinglé et redoutable, une Joey Wong toujours aussi ravissante et
un Leslie Cheung toujours aussi puéril… définitivement… Le
spectacle tend vers plus de folie, mais la poésie est moins présente.
Peu importe, ce spectacle est un bonheur de tous les instants
comme en voudrait en voir plus souvent en cette période de vaches
maigres.
Le
duo Tsui Hark / Ching Siu-tung a le mérite d’accoucher d’œuvres
fortes et surtout de donner un spectacle visuellement
transfigurant.
The
Raid ,
tourné dans la foulée est de ces spectacles fous, ces oeuvrettes
totalement dédiées à l’éclate. On y retrouve un casting fort
alléchant pour un film tiré d’une BD chinoise dont le héros
– un médecin aventurier, une sorte d’Indiana Jones chinois, y
combat l’envahisseur japonais – le spectacle est assuré , on
ne s’ennuie pas une minute.
Philippe
Quevillart, Avril 2003 |