Jacky
Cheung Hok-Yau est un personnage très réputé à Hong Kong.
Chanteur de renom, mais aussi acteur, cet artiste au profil éberlué
a à son palmarès plusieurs rôles de grandes qualités. Que se
soit chez Wong Kar-wai,
chez John Woo ou chez Wong
Jing, il tire toujours aisément son épingle du jeu,
s’imposant même parmi les meilleurs seconds rôles du cinéma de
l’ex-colonie.
Né
le 10 Juillet 1961 à Hong Kong, Jacky Cheung a débuté sa carrière
d’acteur sur le tard. Avant cela il aura entamé une carrière
dans la chanson. Sa réputation dans ce domaine est d’ailleurs
fortement reconnue à Hong Kong.
Il
débute à l’écran dans des rôles secondaires sur des films de
commande comme les Haunted Cop Shop de Jeff Lau,
dans lesquels il interprète un rôle de policier confronté à des
attaques de gyonshis et autres fantômes. Il y partage l’affiche
avec le très « expressif » et rigolo Ricky Hui, frère
de Michael et de Samuel. Ses véritables premières prestations il
les effectue en 1988 dans deux films de véritables auteurs
hongkongais. Le premier : As
Tears Go By, le premier film de Wong
Kar-wai, un polar dans lequel on aperçoit les prémices du
style qui fera la force des œuvres de l’homme aux lunettes
noires. Jacky Cheung y interprète le rôle de Fly aux côtés d’Andy
Lau et de Maggie Cheung. Le
second film est un polar hyper speedé réalisé par le maître chorégraphe
Yuen Woo-ping, Tiger
Cage (La rançon des traîtres), il y joue le rôle de
l’inspecteur Yu aux côtés des Simon
Yam, Carol Cheng et autres Donnie Yen.
Après
un caméo sur le très « Capraesque » Mister
Canton And Lady Rose (Big Brother) de Jackie Chan, il enchaînera
avec un rôle de sabreur redoutable dans le joyaux de Ching
Siu-tung A Chinese
Ghost Story 2 (Histoire de fantômes chinois). Son visage
de fou et ses grimaces lui donnent un rôle à la mesure de son
talent, aux côtés du déjà très regretté Leslie
Cheung, il explose littéralement l’écran dans un déluge de
cabotinage complètement jouissif. En cette année 1990, il enchaîne
avec un rôle important dans Swordsman
que l’on aura le respect d’attribuer à maître King
Hu. Dans ce film son personnage sera un peu éclipsé par une
mise en scène complètement folle qui fera naître un style, le wu
xia pian fantaisiste qui engendra des centaines de rejetons plus
fous les uns que les autres.
Cette
même année 1990, il sera Curry aux côtés de Stephen
Chow dans le marrant Curry
And Pepper. Mais c’est John Woo qu’il lui trouvera peut-être
le rôle de sa carrière, il est Frank dans l’un des chefs d’œuvres
du réalisateur de The Killer,
aux côtés de Tony Leung Chiu-Wai
et de Waise Lee, il interprète l’un des trois amis. Son rôle est
peut-être le plus symbolique de cette œuvre très forte, il est un
peu le personnage central de l’histoire, le plus généreux, le
plus naïf aussi, et celui qui sera le centre de l’affaire finale.
Celui qui donnera le titre au film. Un grand rôle digne de
Shakespeare pour un acteur tragique.
La
tragédie, elle découle souvent de raisons sentimentales chez Wong
Kar-wai, elle naît dans le cœur des êtres et enflamme ses
images dans une virtuosité qui n’a que très peu d’égale dans
le cinéma moderne. Dans Days
Of Being Wild (Nos années sauvages), Jacky Cheung
interprète le rôle de l’ami de Yuddy (Leslie
Cheung), celui qui apparaît en entrant par la fenêtre. Un rôle
finalement assez furtif, mais comme la vie est faîte de brèves
rencontres chez WKW, il lui convient parfaitement.
L’année
suivante débute sous les meilleures auspices avec la reprise de son
rôle d'épéiste redoutable mais juste dans A
Chinese Ghost Story 3 (Histoires de fantômes chinois 3),
puis la collaboration avec Ching
Siu-Tung et Tsui Hark
continue avec The Raid, un
film d’aventure survitaminé dans la veine de Peking
Opera Blues mais en moins bien. Il sera ensuite So dans le chef
d’œuvre de Tsui Hark Once
Upon A Time In China (Il
était une fois en Chine).
Sa
carrière prendra alors un virage purement commercial, il apparaîtra
dans tout un tas de produits plus moins inégaux chez le producteur Wong
Jing, des films comme Flying
Dagger, Boys Are Easy ou Future
Cops où il campe un incroyable Guile alias Broom Head : l'homme
à la tête de balai (il faut le voir pour le croire). Il sera également
de la partie (qui ne le fût pas d’ailleurs ?) du cinglé Eagle Shooting Heroes, délire filmique complètement inracontable
dans lequel le gratin des acteurs HK venait faire le fou.
En
1994,
il apparaît dans son propre rôle en forme de clin d’œil dans
l’excellente comédie Love
On Delivery avec Stephen Chow.
Passons sur son rôle de Crazy Lik dans le navet d’Andrew Lau To
Live And Die In Tsimshatsui. La même année il interprète le rôle
titre dans le sympathique polar d’Eddie Fong The
Private Eye Blues, puis il enchaîne avec le rôle du mendiant
épéiste Hong Qi dans le wu xia pian expérimental de Wong
Kar-wai Ashes Of Times, l’un
de ses rôles les plus marquants, tout en retenue et dans lequel il
fait preuve d’un grand charisme.
En
1995, il vole la vedette à Jet Li dans le High Risk de Wong Jing,
parodie du Piège De Cristal de John Mc Tiernan dans laquelle il cabotine comme
un fou en imitant Bruce Lee dans une scène mémorable. Après ce
film il reléguera un peu sa carrière d’acteur au second rang
pour se concentrer sur celle de chanteur. Il apparaîtra dans un rôle
secondaire dans le très soporifique
Out Of The Blur, tentative ratée d’imposer un style Wong
Kar-wai. Il enchaînera avec deux films en deux ans, tout
d’abord un rôle de policier assez anecdotique dans la romance à
l’eau de rose Anna Magdalena
puis deux ans plus tard dans Dragon
Heat de l’acteur Eric Kot.
2002
sera l’année de son véritable come-back avec son rôle de
professeur qui nous fait sa crise de personnalité dans le très
(trop ?) intimiste et pas assez jusqu’au-boutiste July
Rhapsody d’Ann Hui.
Ce
que l’on peut retenir de cet acteur, sa présence. Une grande
faculté à s’imposer dans toutes sortes de rôles. Capable de
devenir le cabotin de service ou de s’affirmer dans des rôles
plus en retenue, aussi à l’aise chez Wong
Jing que chez Wong Kar
Wai. Un vrai acteur comme on les aime quoi.
Philippe, Avril 2003 |