Portrait
Considéré par
une certaine critique comme étant le plus grand cinéaste chinois
de tous les temps, King Hu aura au moins réussi à faire entrer
le cinéma d’arts martiaux dans une certaine reconnaissance
artistique au-delà des intérêts du fan de genre. Pour ceux qui
s’en seront aperçu, le Tigre Et Dragon de Ang Lee
est plus qu’un simple revival du wu xia pian, c’est un hommage
direct aux recherches élégantes de l’esthète King Hu.
Né en 1932, Hu
Jinquan s’intéresse dès son plus jeune âge à l’art, et en
particulier à la calligraphie, il fera d’ailleurs ses études
à l’Institut National des Beaux-arts de Pékin. En 1949, il émigre
à Hong Kong et ne tarde pas à rejoindre l’industrie cinématographique
de la colonie.
Il débute
d’abord en tant qu’acteur dans Red
Bloom In The Snow, un drame historique réalisé par le vétéran
Li Han-hsiang aux côtés du réalisateur Lo
Wei. Il enchaîne la
même année avec Golden
Phoenix de Yuen Chun, puis deux ans plus tard dans Little Darling, une comédie sentimentale. Il revient ensuite par
deux fois chez Li Han-hsiang avec The
Kingdom & The Beauty et
surtout dans Love Eterne
où il interprète un rôle plus important dans cet opéra aux côtés
des actrices Betty Loh et Ivy ling Po.
C’est peut-être
ce dernier film qui donnera à King Hu l'envie de féminiser l’héroïsme.
En effet à l’inverse d’un Chang
Cheh, il n’aura de cesse de
vouloir imposer des stars féminines dans ses films d’épées,
c’est d’ailleurs dans ce sens qu’il lance sa carrière de réalisateur
en 1964 avec The Story Of
Sue San un opéra avec Betty Loh.
Après cela il
rentre à la Shaw Brothers grâce à l’appui du vétéran Li
Han-hsiang et y réalise un film de guerre avec entre autres Wu Ma
et Tin Fung à la distribution, son titre Sons
Of The Good Earth. L’année suivante il réalise l’un de ses
films les plus célèbres, en l’occurrence Come
Drink With Me, avec l’actrice Cheng Pei-pei qu’il imposera
dans le rôle d’une belle épéiste du nom de Golden Swallow,
avec ce film il lance le film d’auberge, un wu xia pian lent
entrecoupé de scènes de joutes à l’épée. Venant de l’opéra
de Pékin et par la même fin calligraphe, il apporte à son œuvre
une certaine hauteur et un esthétisme très pointilleux. En 1967,
il réalise Dragon Gate Inn,
film qui sera d’ailleurs "remaké" par Raymond Lee et
Tsui Hark avec le célèbre Dragon
Inn (L’Auberge du
Dragon). Avec ce film, il renoue avec le film d’auberge
et impose surtout une actrice qui deviendra sa principale égérie,
la jolie Hsu Feng. Ce film est tourné à Taiwan, lieu où il réalisera
la plupart de ses films suivants, il sera distribué tout de même
par la Shaw Brothers. Certainement pas en phase avec la politique
de profit de Runme Shaw, King Hu immigrera vers Taipeh et
continuera d’y construire une œuvre immense.
En 1970, son maître
et ami Li Han-hsiang fait appel à lui pour co-réaliser un drame
en costumes. Ce qui lui permet l’année suivante de mettre en
chantier ce qui deviendra son plus grand film et certainement
l’un des plus beaux, dans le sens formel du terme, wu xia pian
de l’histoire du cinéma chinois, il s’agit de A Touch Of Zen. Ce film épique et d’un esthétisme exceptionnel
obtiendra un succès tant public que critique, si bien qu’il
recevra le prix de la commission supérieure à Cannes. Le film
par lui même s’étirant sur près de 3 heures est un véritable
manifeste du beau, en plus de cette qualité, King Hu y apporte un
penchant profondément politique, mettant en avant les exactions
du pouvoir et la vanité des hommes. Il impose en interprète
principale, son actrice fétiche Hsu Feng dans le rôle d’une
rebelle qu’un jeune lettré aidera à déjouer les plans d’un
gouvernement corrompu. Plus qu’un simple film d’aventures, ce
chef d’œuvre est une véritable démonstration esthétisante au
souffle épique inégalé.
Fort de ce succès
le réalisateur crée la King Hu Film Company et tourne ses œuvres
les plus célèbres qui vont de The
Fate Of Lee Khan (L’Auberge du Printemps)
avec
Tin Fung dans le rôle titre et également Hsu Feng et Li Lihua,
à The Valiant Ones (Pirates
et Guerriers), ce dernier ayant la particularité
d’avoir Samo Hung comme directeur des combats. En 1979, il réalisera
le somptueux Raining In
The Mountain dont certains plans (la traversée de la forêt
avec le soleil qui strie à travers les arbres) notamment,
tiennent tout simplement du miracle. Film basé sur la suspicion
et les faux-semblants, Raining In The Mountain est également un excellent film de
sabres contenant quelques joutes très aériennes. La même année
il tournera Legend Of The
Mountain, récemment réédité en dvd par Winson
Entertainment, cette fois il apporte une touche fantastique avec
une histoire de fantômes et fait encore montre d’un grand sens
de la réalisation et d’un pointillisme esthétisant
remarquable. En 1983, il réalise un polar médiéval sur fond théâtral
avec Tin Fung en empereur dérangé du cerveau avec All
The King’s Men, une nouvelle fois son sens de l’art est
mis à contribution dans une œuvre à mi-chemin entre l’opéra
et le film à intrigue.
Puis se sera une
longue traversée du désert jusqu’en 1990, année où Tsui Hark
décide de ressusciter le wu xia pian avec Swordsman,
le vieux maître ayant souvent inspiré l’homme à la
barbichette pour son sens de la démonstration graphique, ce
dernier pense à lui pour réaliser ce qui serait le revival
d’un genre quasiment oublié dans l’ex-colonie. Leur
collaboration tournera court, car King Hu, vieilli et sans doute
fatigué n’est pas tout à fait en phase avec les méthodes
« expéditives » du patron de la Workshop. C’est
ainsi que plusieurs réalisateurs se succéderont pour tenter de
donner forme à ce projet, on passera d’Ann Hui, à Ching
Siu-Tung, puis de Raymond Lee à Tsui Hark en personne, selon les
sources et les ont-dit.
King Hu quant à
lui reviendra une dernière fois en 1993 avec Painted
Skin, une histoire de fantômes chinois avec la belle Joey
Wong, Adam Cheng (The
Sword) et Samo Hung à la distribution. Bien que tentant
de renouer avec la fulgurante beauté d’un Legend
Of The Mountain, King Hu ne semble plus en phase avec le cinéma
comme il est devenu, ce qui donne un film qui semble être en
retard et qui prouve que le cinéma a définitivement emporté ses
illusions passées.
Le vieux maître
émigrera aux USA, où il tentera vainement de mettre sur pied
plusieurs projets, avant de mourir en 1997.
King Hu restera a
jamais comme un cinéaste cérébral et très doué qui aura
tenter dans sa carrière d’apporter sa vision esthétisante et
intellectuelle de la Chine médiévale.
Philippe (Novembre 2002)
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Hu par David Anéas
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