L'Occident, et notamment la
France, voit Maggie comme le penchant Hong Kongais de Gong Li : une
merveilleuse actrice, ex-égérie du "space" Wong Kar-wai
et nouvelle d'Olivier Assayas, l'un des piliers du cinéma d'auteur
français, qu'elle finira par épouser. Mais on a vite oublié qu'il
y a une quinzaine d'années, l'ex-Miss Hong Kong a commencé (et
continué) sa carrière dans des oeuvres moins auteurisantes, dans
des comédies romantiques à l'eau de roses, des séries B d'action,
des wu xia pian déjantées, des polars et même des catégories III.
C'est un peu le cas en France de Sabine Azéma qui a débuté dans
des comédies très légères (voire déshabillées) pour ados
boutoneux mongolïdes fans de l'oeuvre de Max Pécas, et qui
maintenant se réclame de Resnais et autres consors. Alors, qu'en
est-il vraiment de cette actrice aux multiples facettes. Retour sur
l'une des grandes stars internationales de Hong Kong : la douce et
belle Maggie Cheung.
Ses
débuts : Découverte par Wong Jing et "fiancée" à
Jackie Chan !
L'éternelle fiancée de Jackie Chan dans les
3 premiers Police Story est l'une des actrices chinoises les
plus connue en Occident . Née le 20 septembre 1964 à Hong Kong, Maggie
Cheung Man-yuk partira dès l'âge de huit ans en Angleterre
pour y parfaire son éducation. De retour à HK, elle se fait
remarquer par des photographes de mode et des publicitaires qui lui
proposent de poser pour eux. Elle bénéficiera ensuite de
l'engouement du cinéma à rechercher des nouveaux visages. Donc,
peu de temps après l'élection de Miss Hong Kong 1982 (elle
terminera seconde), c'est l'inénarrable, l'omnipotent, le découvreur
des futures stars, le producteur-réalisateur-acteur number one de
Hong Kong : Wong Jing qui lancera la carrière cinématographique de
Maggie Cheung. Mais ne vous en faîtes pas, ils (et surtout elles)
sont quasiment tou(te)s passé(e)s par lui. D'ailleurs, ce petit détail
ne se voit pas souvent dans les biographies officielles... Car c'est
bien lui qui l'engage en premier dans ses comédies (très)
romantiques (?) pour midinettes et femmes au foyer adeptes des Feux
de l'Amour et autres produits TV du même acabit. En contrat
avec la télévision, la nouvelle Miss dut ensuite se taper pendant
deux années (terribles d'après elle) les tournages à la chaîne
de séries bien peu passionnantes et encore moins glorifiantes. Mais
cette expérience pénible pour la jeune fille fera partie de son
dur apprentissage de comédienne.
Heureusement, son supplice arrive à terme et sa rencontre
avec Jackie Chan fut primordiale.
Ainsi, ce fut ce dernier qui lui
donnera un rôle plus (?) conséquent et permis de faire
connaître au grand public une actrice convaincante. Mais
il faut quand même relativiser tout cela : la pauvre Maggie
n'est que la potiche de service. Le grand Jackie la traînera
donc comme fiancée dans pas mal de ses films tels que
les trois premiers Police Story, Projet A Force 10
et bien plus tard Double Dragons (Twin Dragons).
Il est également à noter que Maggie sera mariée en blanc
au frère d'armes de Jackie :
Sammo Hung dans le moyen Paper Mariage en 1988
(tant que cela reste en famille !). Mais l'autre grand
acteur de l'époque, Chow Yun-fat
en l'occurence, était un peu jaloux. Après Rose,
on lui permis donc de retrouver la célèbre nunuche dans
le cultissime A Seventh Curse (brève incursion
de Maggie dans le "fantastique" univers de Nam
Lai Choi ... qu'elle ne réitérera pas ... pour notre plus
grand malheur).
La belle jeune fille naïve et candide n'aurait donc pas
de chance ? Va-t-elle enfin rencontrer son Prince Charmant,
celui qui saura reconnaître en elle ses vraies valeurs
?
Rencontre
avec Wong Kar-wai et les autres
1988 : c'est l'année du réconfort : la
rencontre avec un autre grand réalisateur de Hong Kong se fera un
nom dans tous les festivals du monde entier : Wong
Kar-wai. La belle
vient enfin de trouver le mentor dont elle rêvait. Sans renier Wong
Jing (elle continuera à tourner d'autres films sous sa houlette),
elle espérait un peu plus du métier d'actrice. Elle qui fit ses études
en Angleterre, elle qui connaissait presque plus le cinéma
occidental que son cinéma natal, elle voit que le cinéma d'auteur
peut montrer aux autres son réel potentiel. Maggie veut nous
montrer qu'elle peut tout jouer. C'est donc grâce à As Tears Go
By du jeune Wong Kar-wai (c'est son premier film) qu'elle trouve
enfin un rôle à sa mesure. Les autres auteurs de l'ex-colonie
britannique voient également une comédienne pleine de promesses,
et c'est en toute logique que Ann Hui, Stanley Kwan, Yim Ho, Clara
Law et Tsui Hark l'engagent.
Si Stanley Kwan la révèle au monde dans son Center Stage qui
obtint le Prix d'Interprétation Féminine à Berlin 92 pour son rôle
tout en nuance de l'actrice du muet Ruan Lingyu, un autre grand du
cinéma de HK va la révéler sous un autre aspect. Loin de
reprendre la belle dans ses rôles habituels, le génial Tsui Hark
va donner à Maggie une autre casquette, prenant à contre-pied tous
les préjugés qu'on lui avait donnés en 8 ans de carrière : la frêle
et ravissante idiote va alors mûrir et devenir une femme forte, une
guerrière trouble et sensuelle dans l'Auberge du Dragon. On
retrouve une fois de plus la sensualité à fleur de peau dans le très
esthétique Green Snake. L'alchimie du visionnaire fonctionne
à merveille et l'on va donc retrouver la nouvelle amazone dans tous
les grands Wu Xia Pian des années 92-93. Désormais, tout ne sera
jamais plus pareil. Et même si elle continue quelques action-movies,
elle voit dans ses nouveaux personnages une profondeur des
sentiments qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Dans un cinéma
filant à 100 à l'heure, Maggie veut prendre enfin le temps et s'octroiera
même presque deux années sabbatiques (entre 94 et 95) pour prendre
un peu de recul.
Rencontre avec l'Occident
Echouée
dernièrement à Paris, sa rencontre avec le réalisateur français
Olivier Assayas la propulsera vers de nouveaux horizons. Après le
tournage de son Irma Vep, les deux tourtereaux convoleront en
justes noces. (NDR : elle a depuis cet article divorcé de son
mari). Désormais parisienne, la belle Maggie en profite pour
continuer sa petite carrière française en jouant les belles
doctoresses chinoises dans le touchant Augustin, Roi du Kung-fu
d'Anne Fontaine. Mais tout ceci n'empêche
pas la belle de continuer sa carrière à Hong Kong avec le toujours
indispensable Wong Kar-wai et son cannois In the Mood of
Love aux côtés du palmé Tony Leung
Chiu-wai.
Aujourd'hui l'amour,
demain Hollywood avec Steven Spielberg pour son Mémoires
d'une Geisha ? Maggie nagerait-elle enfin dans le bonheur ?
En tous les cas, qui
n'est pas tombé amoureux de la "parisienne" Maggie en
train de parler un français impeccable dans Augustin Roi du
Kung-fu et de la Maggie "bad girl" chasseuse de prime
de Heroic Trio. Tel Jean-Pierre Léaud dans Irma Vep,
on ne peut qu'être fasciné par cette actrice féline aux talents
multiples. Et il faut bien l'avouer : nous sommes tous jaloux
d'Olivier Assayas.
NB : il existe une
seconde "Maggie Cheung" à Hong Kong : Maggie Cheung
Ho-yee. Celle-ci a eu une belle carrière à la TVB depuis le milieu
des années 90. Aussi, après quelques films, elle décide de
quitter sa ville natale pour aller finir ses études en
Grande-Bretagne. Elle retourne en son pays et participe au concours
de Miss HK en 1994. Elle ne gagne pas, mais se fait remarquer et
signe un contrat de quelques années avec la TVB où elle devient
une actrice de plus en plus populaire. Bien qu'elle met en avant sa
carrière à la télé, elle apparaît néanmoins dans quelques
films de cinéma.
J-L (juillet 2000) |