L'encyclopédie
du cinéma HK

Les gweilos

 

 Les étrangers dans le cinéma de Hong Kong

Un beau mariage des cultures

Introduction

Véritable carrefour de l’Asie et sous domination britannique pendant plus d’un siècle, Hong Kong a toujours été en contact permanent avec les cultures extérieures. Son identité culturelle s’est construite selon une double orientation : Préserver la culture Chinoise qui reste la sienne avant tout et intégrer en partie les courants nouveaux qui la traversent régulièrement. Une simple visite à Hong Kong permet de visualiser cet état de fait, certes on y rencontre nombre d’étrangers mais ceux ci restent dans leurs zones (Central, Wan Chai, Causeway Bay, Tsim Sha Tsui et Mongkok), dés qu’on arrive dans des zones plus résidentielles et « populaires » en croiser un toutes les heures devient une performance . Les locaux et les étrangers cohabitent, se côtoient régulièrement mais au final ne se mélangent qu’assez peu. Le cinéma, en bon miroir réfléchissant qu’il est, a encore accentué cette représentation de l’étranger. S’adressant avant tout au public local et pour exorciser la domination qu’ils subissaient dans la réalité, le cinéma hongkongais a présenté l’étranger comme l’homme à abattre, sa défaite étant on ne peut plus symbolique de l’esprit de revanche qui fonde l’inconscient collectif de la population ( un inconscient collectif plus nuancé en pratique mais surmultiplié au cinéma). Le grand représentant de cette tendance c’est Bruce Lee (pourtant né aux USA !), qui va casser de l’étranger et prouver la supériorité du Chinois. C’est le cas dans La Fureur De Vaincre où le choix de situer l’action lors de l’exploitation de la Chine par les grande puissances de l’époque n’est pas anodin. Plus de raison de ne pas massacrer ces vils exploiteurs (ici les Japonais et un Russe) dans de telles conditions. Bruce Lee fera légèrement évoluer cette représentation dans sa volonté de se rallier l’occident (voir le personnage de Chuck Norris, quasiment présenté sur un pied d’égalité au petit dragon dans La Fureur du Dragon) mais en faisant cela il s’éloignera de la colonie britannique et flirtera avec les USA (cf : Opération Dragon). Avec sa mort, d’autres prendront la relève de cet esprit de revanche comme Jimmy Wang Yu qui domine toute l’Asie en battant champion après champion de chaque pays dans Le Roi du Kung Fu Attaque. La présence d’un étranger que le héros Chinois abattra va être pendant une bonne partie des années 70 un véritable « gimmick » utilisé même si le contexte ou le scénario ne s’y prête pas vraiment (voir Le Justicier de Shanghai (Boxer From Shantung) ou Snake In The Eagles Shadow). 

Cette habitude sera tempérée selon les contraintes économiques du moment. Ainsi pour plaire au marché Japonais Jimmy Wang Yu (qui a fait de l’anti Japonais son fond de commerce) rencontre Zatoichi dans le bien nommé Zatoichi Meets The One Armed Swordsman (ou le résultat du combat final change en fonction des pays !). De même la Shaw Brothers tentera une ouverture à l’international en collaborant avec la Hammer Films dans Les 7 Vampires d'Or, ce qui nous vaut de voir Peter Cushing aux cotés de David Chiang... mais le méchant demeure Dracula, un vampire étranger ! Des compagnies comme la Golden Harvest tourneront régulièrement en Corée ou les conditions de tournage sont intéressantes (surtout financièrement) et puiseront dans le vivier que représentent les acteurs Coréens pour alimenter la machine. Mais à quelques rares exceptions, ils auront le mauvais rôle (Wong Ing Sik jouera ainsi les gentils dans le film Hapkido mais endossera pour le reste de sa carrière la tunique de méchant). Un des rares à avoir présenté la différence de nationalité sous un jour un peu plus flatteur fut Liu Chia-liang dans Shaolin Contre Ninja où le héros épouse une Japonaise et le couple finit par mieux se comprendre après de longues rivalités martiales. Certes, ici encore le Japonais est l’adversaire et il est à l’origine de l’affrontement mais les personnages finissent par se comprendre... c’est déjà quelque chose ! Un autre réalisateur qui fera évoluer les choses est Samo Hung. Dans Warriors Two, il n’hésite pas à donner à Casanova Wong un des premiers rôles et le place dans son intrigue comme il l’aurait fait avec n’importe quel Chinois. Samo continuera dans cette voie dans les années 80

Michiko Nishiwaki et sa garde de gweilosL'expression de la domination britannique au cinéma

Les années 80 justement vont amener quelques évolutions. Déjà la multiplication des films situés à l’époque contemporaine par rapport aux nombreux films en costumes de la décennie précédente va obliger les réalisateurs à rendre compte de la diversité raciale de l’époque et surtout de la domination britannique. On verra ainsi apparaître nombre de superviseurs de polices blancs ou d’autres représentants du pouvoir de sa majesté sur la colonie. Rôles utilitaires par principe, ils ne feront guère évoluer la perception de l’étranger à Hong Kong, le gweilo comme il est nommé là-bas. L’autre facteur à prendre en compte c’est l’importance croissante du marché international, et tout particulièrement le marché asiatique. Non seulement des pays comme le Japon et la Corée accueillent de mieux en mieux certains films locaux mais l’effet est aussi réciproque, et Hong Kong se voit de plus en plus influencé par les modes qui agitent l’archipel. Cela prendra encore plus d’importance dans les années 90 mais dés les années 80 le phénomène est perceptible. Cette prise en compte aboutit à des collaborations entre les pays plus étroites. Ainsi Hiroyuki Henry Sanada se retrouve dans Ninja In The Dragon’s Den Chine et Japon ensemble ? Non, USA et Japon ! (Conan Lee et Henry Sanada)et s’il nous est d’abord présenté comme un méchant, le personnage se révèle au final du bon coté, l’honneur est sauf ! Yukari Oshima peut elle aussi s’enorgueillir d’avoir joué les héroînes même si la majorité de sa filmographie est composée de rôles d’assassin japonais agressifs voire sadiques (comme la Madame Su dans Iron Angels). Les années 80 seront surtout l’avènement d’une première dans le cinéma hongkongais : une actrice occidentale dont la carrière sera très majoritairement constituée de rôles positifs. A l’origine de cette révolution, on trouve le producteur Ng See Yuen qui la découvrit et Samo Hung, un des fondateurs de la D&B qui lui donnera cette chance. La demoiselle en question c’est bien sûr Cynthia Rothrock. Le film c’est Yes Madam (Le Sens du devoir 2), dont on retiendra aussi la présence de Michelle Yeoh, d’origine malaisienne, un autre progrès même si l’intégration des acteurs d’autres origines asiatiques dans le cinéma de Hong Kong était déjà amorcée avant elle. Mais pour aussi novateur que soit le cas de Cynthia Rothrock il faut le voir avant tout comme une exception, aucun autre acteur occidental ne suivra son chemin, et limité à un registre spécifique, celui du cinéma d’action. L’orientation de la D&B dans sa production montre bien à quel point cette évolution est limitée. Très souvent la compagnie utilise des étrangers dans ses films mais au final ceux qui leur donnent la vedette sont assez peu nombreux (Yes Madam : Cynthia Rothrock, Michelle Yeoh, Royal Warriors : Michelle Yeoh, Henry Sanada et dans une moindre mesure Michael Wong, Le Sens Du Devoir 3 : Fujioka Hiroshi). D’ailleurs si on peut constater une augmentation du nombre d’occidentaux (et plus largement d’étrangers) dans les films de Hong Kong de cette période, c’est avant tout dans cette posture traditionnelle d’ennemie. Il est à noter aussi que Hong Kong utilisera des acteurs occidentaux plus largement dans le cadre de productions tournées à l’étranger. Les spécialistes de ces productions seront la firme IFD (spécialisé dans les années 80 dans les films de ninjas) et la Seasonal de Ng See Yuen (No Retreat No Surrender). Mais ces films étaient destinés avant tout au marché occidental et ne sont donc pas à proprement parler de vrais films hongkongais même si l’on retrouve certaines caractéristiques locales et même si IFD diffusait ses films à Hong Kong. Les années 80 sont donc une décennie transitoire en ce qui concerne l’intégration des étrangers dans son cinéma, plus ouverte en ce qui concerne les autres origines asiatiques, mais toujours limitée pour les occidentaux.

Quand les Gweilos mettent le feu !Jeff Falcon en action, il ne va pas tarder à se faire dérouiller...

Les Années 90 vont continuer le mouvement. Tout particulièrement avec la crise qui va le toucher au milieu de cette décennie, le cinéma hongkongais va accueillir en son sein bon nombre d’étrangers, principalement des chinois élevés aux USA ou Canada (les Daniel Wu et autres Christy Chung) et des artistes d’autres pays proches de la sphère d’influence de l’ex-colonie (Singapour, Malaisie). A ce niveau, l’intégration est totale et ne peut qu’être saluée. L’intégration d’acteurs Japonais est restée à peu près de même niveau que dans les années 80. Avec la volonté d’internationalisation encore plus marquée pour faire face à la crise, les possibilités pour les acteurs japonais se sont tout de même légèrement plus diversifiées et ont quantitativement augmenté. Par rapport à l’influence que l’archipel a sur l’ex-colonie, on peut dire que le cinéma y rend justice. Même si le rôle du « méchant Japonais » existe encore, il est devenu courant qu’un acteur Japonais puisse jouer des rôles positifs ou se voir dévolu des personnages qui auraient pu être joués par des acteurs Chinois (Tokiwa Takako dans Moonlight Express). Le cas des occidentaux demeure lui toujours aussi nuancé. Certes des gens comme Peter Charles Graves, Jude Poyer ou Brad Allan (élève et garde du corps de Jackie Chan) font avancer les choses en cherchant à développer une vraie carrière à Hong Kong maisLa confrontation traditionnelle Est/Ouest pour autant on ne peut pas dire que la palette des rôles qui leur sont proposés a beaucoup évolué. L’occidental semble condamné à rester dans cette posture d’adversaire. On peut toutefois espérer que les précédents que représentent Cynthia Rothrock ou certaines tentatives de donner aux occidentaux un rôle plus proche de celui qui est le leur dans le vrai Hong Kong (Her Fatal Ways 3 nous présente en arrière fond une romance Occidental / Chinois tout ce qu’il y a de plus réaliste) ne resteront pas lettre morte dans le futur.

(Arnaud Lanuque - décembre 2002)


Les Gweilos
D’où vient le terme « gweilo » ? Gwei = Fantôme, Lo = homme. Il s’agit du mot utilisé par les cantonais pour qualifier les étrangers occidentaux. D’abord dédaigneux (voire même franchement insultant) le mot est entré avec le temps dans le vocabulaire normal. Il faut davantage vous inquiéter si on vous qualifie un jour de « sai gweilo » ;-) . Cette partie du dossier couvre donc les étrangers blancs mais aussi par extension les femmes (« gweipo ») et les noirs (« huggwai »). 

 

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