Le
roi de la comédie cantonaise
Dans les années 80, les stars
comiques s'appelaient Hui (Michael et ses frères sont
à l'origine de la série des Mister Boo), Karl
Maka (le chauve de la série des Mad
Mission), Richard Ng (le petit moustachu des Lucky
Stars (Le Flic de Hong Kong en V.F.))... Actuellement,
on ne les voit plus guère sur les grands écrans
hongkongais,
seul le vétéran Jackie
Chan, le roi de la kung fu comédie, reste encore à
l'affiche. Mais à vrai dire, en prenant de l'âge, il s'essouffle
quand même pas mal ! Peut-être pas trop au niveau de l'action
(quoique ?), mais en ce qui concerne le sens de l'humour,
c'est assez décevant.
En France, on commence
à bien connaître les meilleurs acteurs de Hong Kong :
Chow Yun Fat et ses flingues,
Jackie Chan et ses acrobaties,
Jet Li et son kung fu ... mais
on connaît encore très mal, voire pas du tout le comique
numéro un du cinéma HK. Il se nomme Chow Sing-chi (Stephen
Chow en version occidentale), l'une des stars les mieux
payées de l'ex-colonie britannique.Il faut dire aussi
que l'humour cantonais est très spécial et donc difficilement
exportable. A base de non-sens, de jeux de mots typiquement
chinois donc difficilement traduisibles, et de farces
assez douteuses, toutes ces comédies peuvent aisément
en décontenancer plus d'un ! Finalement, soit on déteste
soit on adore, mais personne ne peut rester indifférent
à tant d'absurdités. De ce fait, on ne s'étonnera pas
de ne les voir quasiment pas en Occident. Retour donc
sur le phénomène comique hongkongais qui fait rire toute
l'Asie : Stephen Chow.
De
la tragédie à la comédie
Ne réussissant pas à accéder aux cours d'arts dramatiques
de la TVB comme son ami Tony
Leung Chi-wai, Stephen Chow débute sa carrière comme
présentateur d'émissions enfantines (“430 Space Shuttle”
qu'il anima pendant 5 ans). Il enchaîne finalement avec
des petits rôles dans des séries TV et c'est dans He
Who Chases After the Wind qu'on peut l'apercevoir
pour la première fois au cinéma dans une petite apparition.
Mais c'est le polar Final Justice (1)
de Danny Lee qui lança véritablement
sa carrière cinématographique en 1988. De ce second rôle,
il en tire un prix au Taiwan Film Awards 1989. Il reste
alors dans le registre du policier pur et dur avec Dragon
Fight (The Defector) (1)
et Just Heroes (2).
Mais il est vite repéré par le réalisateur de comédies
Wong Jing
(connu en France pour être le co-réalisateur de Niki
Larson) qui l'engage pour jouer le rôle titre dans
la parodie de God of Gamblers (interprété dans
l'original par Chow Yun Fat)
: il deviendra ainsi "The Saint of Gamblers"
aux côtés de la star Andy Lau
(le "Knight of Gamblers").
Le roi de la parodie
Ne s'arrêtant pas là, il fera varier les genres
: il joue dans des comédies policières genre l'Arme Fatale
dans Curry and Pepper, genre Léon dans Out Of
Dark, genre Un Flic à la Maternelle dans Fight Back
to School. C'est un triomphe pour ce dernier, et c'est en toute
logique que 2 suites suivront rapidement. Mais il alterne également
avec des kung fu comédies comme Fist of Fury 91 et Legend
of the Dragon où il parodie Bruce Lee (l'une de ses idoles),
des films de casino comme All for the winner et God of
Gamblers 2
& 3, et même des films en costumes comme King of
Beggars ou Justice My Foot ! en 1992. Dans tous ces
registres, le maître excelle dans l'art du non-sens visuel et
verbal (un peu comme Leslie Nielsen dans les Y-a-t-il...),
des dialogues speed et interminables (à la manière de Groucho
Marx), des grimaces à la Jim Carrey. Ce n'est donc pas étonnant de
le voir en 1995 dans 60 Million Dollar Man la
parodie made in Hong Kong de The Mask. Même si la 1° partie
est plutôt inégale, il faut voir la seconde quand le héros est
ramené à la vie par un professeur frappadingue après qu'une
explosion l'ait sérieusement blessé (ne laissant que sa bouche,
son cerveau et son pénis !) Un peu comme l'Inspecteur Gadget ou
Steve Austin dans l'Homme qui valait trois Milliards, son
corps est entièrement reconstruit à l'identique et possède désormais
l'incroyable pouvoir de transformer une partie de celui-ci en
n'importe quel objet de la vie quotidienne tels un aspirateur, un
tube de dentifrice géant, un tuyau d'arrosage, un grille pain, une
cuvette de W-C, un four micro-ondes ...!!! Bref, à l'instar de Tex
Avery, c'est le délire complet. Il faut dire aussi que les effets
spéciaux ont fait beaucoup de progrès et que sans toutefois
rivaliser avec les américains, les infographistes hongkongais ont
réussi à réaliser des effets visuels très performants. Il est à
noter également dans ce film une scène parodiant Pulp Fiction
(quand John Travolta danse avec Uma Thurman). Bref, un petit bijou
à voir.
Chow 007
Adorant la parodie et les films d'espionnage, c'était
normal que Stephen Chow s'attaque au mythe de James Bond. Tout
d'abord dans From Beijing with Love où il incarne un ancien
agent secret reconverti dans la charcuterie. Ce virtuose du hachoir
est réintégré pour découvrir celui qui a dérobé un crâne de
dinosaure très précieux. En réalité, son supérieur (qui se
trouve être le dangereux criminel ayant dérobé l'objet convoité)
l'a choisi pour son incompétence et ses gaffes à répétition.
Bien sûr, comme Frank Drebbin ou l'inspecteur Clouzot, il arrivera
avec beaucoup de chance à déjouer les pièges tendus par son
contact à HK, la belle contre-espionne (Anita Yuen) chargée de le
tuer. Dans ce film, tout y passe : le générique, la musique, Q et
ses gadgets plus fous les uns que les autres (comme la lampe torche
fonctionnant à l'énergie ... solaire !!!), les gunfights très
saignants voire grand-guignolesques où par exemple le héros
extraie une balle de la jambe à coups de pioche !!! Devant le succès,
Chow co-réalise 2 ans plus tard une nouvelle parodie de 007.
Cette fois-ci en costumes, Forbidden City Cop
joue encore la carte de l'absurde et des gags ENORMES, mais au temps
de la Chine impériale. Ici, il incarne un super agent chargé de la
sécurité de l'empereur. Contrairement à ses collègues hyper balèzes
dans les arts martiaux, sa force ne réside pas dans ses muscles
mais dans ses inventions toutes plus folles les unes que les autres
comme le mini canon buccal aux effets dévastateurs (pour les autres
et pour son utilisateur). Hélas, sa prestation ne convint pas et il
est obligé de devenir ... gynécologue. Voulant toujours devenir
inventeur, il arrive à déjouer un complot dirigé contre
l'empereur. Ce dernier sera capturé et déguisé en ... créature
de Roswell pour pouvoir être autopsié par un congrès de médecins.
Heureusement, notre héros et ses inventions ridicules (comme l'hélicoptère
humain avec une hallebarde tournoyant au-dessus de la tête) auront
raison des vilains conspirateurs.
Les singeries de Chow
Les
films hilarants où joue Stephen Chow sont nombreux. Deux ont
retenu mon attention : Royal Tramp et A Chinese Odyssey.
Tous deux possédant deux parties (la première étant la meilleure
à chaque fois), ils résument bien le délire et le talent comique
de Chow. Dans Royal Tramp, les gags sont souvent lourds mais
toujours très drôles, mais en plus, les scènes d'action sont
incroyables (très déjantées et très spectaculaires), tandis que
les scènes romantiques sont d'une beauté rarement égalée. Basé
sur des quiproquos, des gags pipi caca (la spécialité de la
colonie et des techniques de combats très farfelues), l'humour est
ici omniprésent. Plus ambitieux est A Chinese Odyssey. Tiré
de la légende du Roi des Singes (projet inabouti de Tsui
Hark depuis plus de 10 ans et qui inspira Akira Toriyama pour le
personnage de San Goku dans Dragon Ball), il nous conte les
aventures de Joker, le chef d'une bande de voleurs. Ce dernier étant
peut-être la réincarnation du Roi des Singes, deux diablesses
voudraient bien bénéficier de ses faveurs pour gagner la vie éternelle.
Pandora's Box, le 1° chapitre, comporte plusieurs scènes
hilarantes comme celle où le héros est poursuivi par une des
femmes-démons transformée en araignée géante (ressemblant à
celle de la Cité Interdite), ou celle décalquée sur Un Jour
Sans Fin, où Chow revient en arrière dans le temps pour sauver
sa bien-aimée, mais hélas pour elle, toujours quelques secondes
trop tard. L'action est bien menée (puisque dirigée par
l'excellent Ching Siu-tung), les gags sont irrésistibles, mais on
se perd dans un scénario ma foi assez compliqué. Le second
chapitre Cinderella reprend l'histoire là où elle s'était
arrêtée. Moins comique que le 1°, il reste quand même de bonne
facture. Attendez encore un peu et vous pourrez juger sur pièce si
HK VIDEO se décide enfin à les sortir.
Vers un Chow plus matûre
?
Malgré
ses talents de comiques troupiers, Chow veut changer légèrement de
registre et tout comme Jim Carrey s'essaie à des rôles plus
ambitieux dans Truman Show ou Walk to the Moon,
Chow nous pond King of Comedy. Cette comédie douce-amère
de 1998 est un grand changement dans la carrière du fantaisiste
cantonais. Un peu à la manière d'un Buster Keaton des temps
modernes, il incarne un personnage lunaire et passionné (un peu à
la manière d'Augustin Roi du Kung Fu) qui tranche véritablement
avec ses héros exubérants. On attend maintenant la suite, car ce
n'est pas avec The Tricky Master de Wong Jing (où son rôle
est secondaire !) qui nous confirme le retour en force du comique
Numéro 1 de HK. D'ailleurs, le fameux producteur-réalisateur
susdit est quelqu'un de très lucide : il essaie tout doucement
d'imposer son futur remplaçant : Nick Cheung. Mais ceci est une
autre histoire...
Verra-t-on un jour ce clown cantonais sur les
grands écrans français ? Il est très difficile de le dire. Il mérite
pourtant une chance : ses films, mélange d'humour débridé,
d'action décoiffante, de romance pourraient en séduire plus d'un.
Avec une bonne adaptation, il ferait rire la francophonie entière
... (la Grande Bretagne commence à vraiment l'aimer, puisqu 'elle
lui consacre de plus en plus de vidéos).
J-L (1999)
Je
finissais ainsi mon portrait sur Stephen Chow il y a de
cela quelques années en espérant, mais en ne me faisant
guère d'illusions sur son hypothétique venue sur les grands
écrans français. C'était sans compter son formidable génie.
Ainsi, grâce au mélange du kung-fu et du football (et
de l'engouement des spectateurs envers le cinéma asiatique)
il va pouvoir se faire connaître du public occidental.
C'est Quentin Tarentino qui a pu l'imposer à Miramax,
qui s'est chargé de distribuer ce petit bijou qu'est Shaolin
Soccer. A l'heure où j'écris cette mise à jour, le film
n'est toujours pas sorti en France et je ne sais pas s'il
a su trouver le public qu'il mérite, mais d'ores et déjà
le fait qu'il soit tiré à quelque 300 copies dans les
cinémas de l'hexagone prouve que son distributeur français
a bon espoir en lui. Peut-être qu'il veut rééditer le
coup qu'il a fait avec Jackie
Chan et tout dernièrement Jet
Li... attendons de voir et brûlons des encens pour
qu'il réussissent. Ce ne serait que justice !
Jean-Louis (1999 remanié en août 2002)
(1) édité en V.F.
chez KARA FILMS dans la collection HONG KONG KILLERS
(2) sorti en VOSTF chez HK Vidéo
Site
à visiter pour en savoir encore plus sur la star : http://www.stephenchow-fr.com |