Né en 1952, Ching Siu-tung est le
fils de Cheng
Kang, un scénariste / réalisateur de la Shaw Brothers
dont l'un des titres de gloire reste Fourteen Amazons.
Mauvais élève à l'école, ses parents l'inscrivent à l'
"Orient Drama School " pour apprendre l'opéra
pékinois, art qui mélange danse, acrobatie et art martial.
A la fin de sa formation, il entre comme cascadeur à la
Shaw Brothers où sa petite taille en fait une doublure
idéale des rôles féminins. Mais les films en costumes
étant sur le déclin à la fin des années 70, il est obligé
de se tourner vers la télévision et devient directeur
des combats sur des séries télévisées. C'est à cette occasion
qu'il rencontre les futurs réalisateurs de la nouvelle
vague, dont Patrick Tam, pour qui il réglera les combat
de son wu xia pian décalé, The Sword, en 1980.
La même année il mettra également ses talents de chorégraphe
au service de Tsui Hark pour
élaborer les scènes d'action de Don't Play With Fire,
dont je jeune cinéaste voulait exacerber la violence…
En 1982, Ching Siu-tung trouve enfin l'opportunité de
réaliser son premier film, Duel To The Death. Cette
première expérience cinématographique présente déjà bon
nombre des constantes qui feront la spécificité du style
de Ching Siu-tung, un style intimement lié au wu xia pian,
genre dans lequel il va se spécialiser presque exclusivement,
au point qu'à ce jour il n'a toujours pas mis en scène,
ni même chorégraphié, le moindre film de kung fu. Car
ce qui l'intéresse avant tout, c'est de donner à voir
des combats entre chevaliers aux pouvoirs surnaturels
et retrouver ainsi l'esprit des bandes dessinées de son
enfance. Pour donner une représentation à la fois spectaculaire
et extraordinaire des affrontements tels qu'il les imagine,
ses chorégraphies associent volontiers les effets spéciaux
(notamment de fréquents recours aux câbles) à un découpage
des plans extrêmement serré, une caméra toujours mobile
et des focales généralement extrêmes. Tout au long de
sa carrière, il restera attaché à un cinéma fondamentalement
impur, élaborant une esthétique de la surprise et du contraste
particulièrement réjouissante quand il réussit à marier
judicieusement les ingrédients antinomiques avec lesquels
il aime à composer ses films. Parmi ses films "contemporains",
on peut citer Wonder Seven (1994) ou Blacksheep
Affair (1998) pour lequel il a réglé les combats,
le traitement surréaliste qu'il met en œuvre donne un
tour cartoonesque à un environnement réaliste. Plongé
dans l'incertitude quant à son avenir, suite au nouvel
échec commercial que fut Witch From Nepal, Ching
Siu-tung a la bonne idée de proposer ses services à
Tsui Hark, alors occupé à monter sa propre boite de
production, la Workshop. Si au départ
Tsui Hark envisageait de créer une alternative au
système des studios pour aider des réalisateurs en marge
à financer leurs projets, sa personnalité autoritaire
va très rapidement obliger ses collaborateurs à faire
un choix. Ou bien accepter de se plier à ses exigences
ou bien partir. Ching Siu-tung choisit la première solution
et accepte de se soumettre aux vues de son patron. Peut-être
avait-il besoin d'une telle collaboration pour donner
le meilleur de lui-même, car Tsui
Hark réussira à l'utiliser fort judicieusement en
recourant à ses talents de chorégraphe sur la plupart
de ses productions (Peking Opera Blues, Syndicat du
crime 2, Roboforce…) pour leur donner ce cachet qui
sera l'une des marques de reconnaissance du style Workshop
au cours des années 80. Il lui permettra également de
réaliser Histoires de fantômes chinois en 1987.
Si Tsui Hark lui laisse peu
de liberté, s'impliquant à tous les niveaux dans l'élaboration
du projet, il l'aide à trouver une justesse de ton, que,
seul, il a eu du mal à mettre en œuvre dans ses premiers
films. Pivot de la Workshop entre 1986 et 1993, Ching
Siu-tung trouve néanmoins l'occasion de réaliser Terracotta
Warrior en 1989, un film que
Tsui Hark ne produit pas. Dans ce mélange improbable
d'aventures, d'événements historiques et de fantastique,
il peut à loisir laisser libre cours à son goût pour le
bis, le merveilleux et les péripéties rocambolesques.
Par deux fois, avec The Raid (1991) et Dr Wai
(1996), il s'essaiera à ce type d'histoire. Mais c'est
surtout dans l'univers de wu xia pian que Ching Siu-tung
restera le plus à son aise. Après un retour fracassant
du genre orchestré par Tsui Hark
avec Swordsman auquel il a participé en tant que
directeur des combats, il met en scène une suite, toujours
sous le contrôle de son ami producteur, mais qui lui laisse
la liberté de s'exprimer pleinement sur les scènes d'action.
Il peut enfin concrétiser le travail ébauché sur Duel
To The Death en élaborant des scènes stupéfiantes,
au rythme infernal et où ses idées les plus folles vont
trouver leur plus belle expression. Après le succès de
Swordsman 2, Ching Siu-tung se voit solliciter
de toute part et multiplie les projets entre 1992 et 1993.
Il livre le meilleur de lui-même en participant à Dragon
Inn (1992), en réalisant Swordsman 3 (1993)
ou en coréalisant avec Johnny
To le délirant Heroic Trio. Mais à force d'user
et d'abuser des mêmes effets dans de trop nombreux films,
et notamment sur ceux produits ou réalisés par
Wong Jing comme Royal Tramp I & II (1992),
Holly Weapon (1993) et ses dérivés, il précipite
l'usure du genre et de son style, et le public finit par
se détourner peu à peu des films en costumes. Si en 1995
il signe la chorégraphie de A Chinese Oddyssey,
l'un des derniers wu xia pian réussi, il tente de se renouveler
avec Wonder Seven (1994) et Dr Wai (1996)
pour répondre aux nouvelles attentes du public, mais hors
du wu xia pian et de la Workshop, Ching Siu-tung a bien
du mal à convaincre. Trop spécialisé, réalisateur / chorégraphe
au style trop typé, il se retrouve à la fin des années
90 dans une situation proche de celle qu'il a connue au
début de sa carrière. Dernièrement il a mis en scène un
clip de Mylène Farmer. Mais, comme ce fut le cas pour
ses collègues travaillant avec l'occident, son style a
été dilué pour n'en conserver qu'une imagerie exotique
de personnages volant dans les airs. Carte postale affadie
par un homme souvent relégué au second plan, mais dont
l'action a été déterminante dans l'élaboration de la "
Hong Kong Touch ".
On aurait pu croire l'homme fini, Yuen Woo-ping monopolysant les
chorégraphies branchées des derniers films US d'action, mais c'est
à Hong Kong que Ching Siu-tung reprit du poil de la bête : les
succès de Shaolin Soccer et Naked Weapon sont bien la
preuve que l'homme est encore dans le coup. La sortie internationale
de Hero sera peut-être à l'origine de son billet aller aux USA...
wait and see.
PS : il est à noter que
Ching Siu-tung s'est affublé du prénom occidental
"Tony" depuis qu'il a des intentions
internationales (Naked Weapon & Hero)
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