Né le 18 mai 1955 sur l’île de
Lama, à Hong Kong, Chow Yun-fat part s’installer sur la
presqu’île de Kowloon à l’âge de 16 ans. Après avoir exercé
divers petits métiers, il s’inscrit aux cours d’arts
dramatiques de la chaine TVB, la division télévisuelle de la Shaw
Brothers. Il y décroche son sésame pour une carrière d’acteur
et joue dans de nombreuses séries. Grâce à quelques succès,
notamment pour ses rôles dans Hotel et Shanghai Bund
(1980), il devient progressivement l’une des personnalités les
plus populaires du petit écran.
Parallèlement,
il entreprend dès 1976, une carrière cinématographique sous les
caméras presque exclusives de Yueng Kuen (Learned Bride Thrice
Fools the Bridgeroom) et Cheung Sam (Massage Girl), deux
réalisateurs de films à petits budgets qui ne récolteront que le
mépris de la critique et du public. En 1981, sa rencontre avec la réalisatrice
Ann Hui marquera le premier grand tournant dans sa filmographie. Son
rôle de réfugié vietnamien dans The Story of Woo Viet lui
permet pour la première fois d’être acclamé par la critique
locale. Suivront deux films de Ronny Yu (Postman Strikes Back
et The Occupant) et surtout Hong Kong 1941 de Leung Po
Chi lequel renforcera son capital de sympathie auprès de
professionnels puisqu’il décroche à cette occasion le prix du
meilleur acteur au Golden Horse Award, ainsi qu’au Asian Pacific
Film Festival. Pourtant, le public n’est pas au rendez-vous et
Chow Yun-fat, vite étiqueté jeune premier de feuilletons télévisés
sirupeux, ne tarde pas à être surnommé le « poison du box-office
». En effet, force est d’admettre que son physique relativement
classique et son absence de capacités martiales ne lui permettent
pas de rivaliser avec les grandes stars de l’époque, comme Jackie
Chan. Néanmoins, fort d’une conviction inébranlable, il continue
de parfaire ses talents en tournant dans pas moins de 12 films entre
1985 et 1986, parmi lesquels on retrouve quelques séries Z bien
tordues (navrantes diront certains) comme Witch from Nepal de
Ching Siu-Tung et Seventh Curse de Nam Nai Choi.
1986,
c’est enfin l’année de la consécration puisqu’il tourne sous
la direction de John Woo dans le mythique A Better Tomorow (Le
Syndicat du crime), film charnière lançant la mode du néo-polar.
Dans un rôle de tueur élégant et décontracté, Chow Yun-fat se
crée le personnage qui fait de lui la plus grande star du continent
asiatique. Parallèlement à cette experience détonante, il sera également
utilisé par l’autre roi du polar, Ringo Lam avec lequel il tourne
City On Fire, production qui contribuera à lancer le
sous-genre du film de flics infiltrés. Désormais, Chow Yun-fat a
trouvé ses marques et c’est dans le même registre qu’il enchaînera
plusieurs dizaines de films du même calibre dont les sommets du
genre que sont d’une part Hardboiled (A toute épreuve)
et d’autre part The Killer, tout deux réalisés par
John Woo.
Néanmoins,
il serait réducteur d’emprisonner cet immense acteur dans une
seule catégorie de personnage. En effet, outre sa capacité à
propulser le polar dans une dimension épique, Chow Yun-fat est
certainement l’un des plus grands acteurs comiques auquel le cinéma
hongkongais a donné naissance. Ainsi, tout au long de sa carrière,
on trouve ici et là quelques-unes des meilleurs réussites du genre
(Spiritual Love, The Eighth Happiness, Greatest Lover, The Fun,
The Luck and the Tycoon). En 1988, il fera également
partie de la distribution de l’un des sommets de la comédie made
in HK avec le vaudevillesque Diary of a Big Man, une
production issue de la fameuse Workshop de Tsui Hark et réalisée
par l’un des grands retraités de la Shaw Brothers, Chu
Yuan. A
cette occasion, on peut y voir un Chow Yun-fat débordé, se démultipliant
pour parvenir à gérer en même temps ses deux conquêtes féminines,
jouées respectivement par Sally Yeh et Joey Wong.
En outre, et comme si cela ne
suffisait pas, Chow Yun-fat est également à l’origine du succès
du "Gambler’s Movie" popularisé par le réalisateur
Wong Jing en 1989 avec son célèbre God of Gamblers (Les
dieux du jeu). Dans un rôle taillé sur mesure, les cheveux
gominés à l’excès, la tenue impeccable, il fait exploser le
box-office et lance définitivement le genre. Plusieurs suites
seront mises en chantier dont le méga-carton God of Gamblers
Return (L'arnaqueur de Hong Kong) (1994) film marquant
l’une des dernières apparitions de Chow Yun-fat au sein de
l’industrie cinématographique hongkongaise. L’année suivante,
il joue encore dans Peace Hotel de Wai Ka Fai, avant de
quitter l’univers du cinéma HK.
Il est évident qu’un tel succès
ne pouvait laisser Hollywood indifférent. En 1998, Chow Yun-fat y
fait ses débuts avec le très moyen The Replacement Killers (Un
tueur pour cible). Après quelques rôles sans grand
retentissement (The Corruptor (Le Corrupteur), Anna and
the King (Anna et le roi)), il finit néanmoins par décrocher
la timbale avec Crouching Tiger, Hidden Dragon (Tigre
et Dragon), une coproduction USA/HK qui triomphe au
box-office mondial. Néanmoins et contrairement à ce que l’on
pouvait
penser, ce succès n’a eu que peu de répercussion sur sa
carrière hollywoodienne qui, il faut bien
l’admettre, tarde à véritablement exploser. Reste à espérer
qu’une réunion, certes encore hypothétique, de John Woo et de
Chow Yun-fat puisse un jour déboucher sur un feu d’artifices à
la hauteur de ce prodigieux acteur.
(Stéphane Jaunin)
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