Jet Li - Mon
ami Ching Siu-tung - Yuen Woo-ping - Retour
aux sources - Les
grandes récoltes de la Film Workshop
Iron Monkey - Tsui
Hark et le beau - Les années de
braise - Lame des guerriers - La
suite - JCVD
Back To Home - Legend
Of Zu - You want a Hero ? - And
now ?
Jet
Li
En 1990, Tsui fera une rencontre déterminante. IL s’agit de
l’acteur Jet Li, toute nouvelle star des arts martiaux que
l’on décrit comme le digne successeur de Bruce Lee. Ensemble,
ils tournent aux Etats-Unis The Master, un film d’arts martiaux se déroulant
à notre époque. Un vague remake de La
Fureur Du Dragon dans lequel le génial Yuen Wah interprète
le méchant. La collaboration de Tsui et du Jet démarre assez
mollement, le film est un spectacle bâclé et assez ennuyeux qui
ne vaut que pour deux ou trois combats assez réussis et un final
assez dantesque. Le film est un échec mais une grande
collaboration naît.
Depuis
Peking Opera Blues,
n’a pas réalisé d’œuvres phare. Toujours attaché au
symbole de l’histoire et de la culture populaire chinoise, il décide
de remettre sur pied le mythe du personnage le plus célèbre du
monde des arts martiaux, le docteur Wong Fei-Hung de Canton,
figure incontournable de la culture locale et héros chinois.
L’acteur
Kwan Tak-Hin aura rendu célèbre le bon docteur Wong dans plus de
100 films, à tel point que leur image respective ne fera plus
qu’une. Dans une optique de remise sur rail de la légende, tout
en la désacralisant, Tsui Hark offrira au héros Wong Fei Hung un
véritable rajeunissement. Confiant le rôle principal à Jet Li,
il aura tôt fait de toucher au suprême. Son film est l’une des
œuvres du cinéma d’arts martiaux, les plus réussies. Une
parfaite synthèse des grands thèmes, des grandes interrogations
de Tsui Hark, l’homme, dans un grand film au souffle épique.
Esthétiquement, le film est magnifique. Jet Li donne de l’épaisseur
au personnage par une grande présence que certains détracteurs
tentent encore vainement de contredire. Dans ce film, il est
excellent, et bien lui aurait pris de continuer de continuer dans
cette voie au lieu de prendre certains virages plus que douteux. Once
Upon A Time In China
(OUATIC) est la quintessence d’un genre, son
approche est tout à la fois auteurisante et dédié au genre dans
le plus noble sens du terme. Une grande bouffée d’oxygène, un
délice à consommer sans modération.
Mon
ami Ching Siu-Tung
Les virages à 180° sont l’apanage de ce fou génial. Un
exemple, son œuvre suivante est un film d’auteur qu’il confie
à l’un de ses anciens camarades de la Nouvelle Vague, Yim Ho.
Le film, King Of Chess, porte
sur un événement historique important de la Chine, il s’agit
de La Longue Marche. Traité sur un ton volontairement
anticommuniste, le résultat déplaît fortement à Tsui Hark. Il
vire purement et simplement le réalisateur pour mettre lui-même
en scène la fin du projet. Sa réputation n’est plus à faire,
Tsui Hark est un génie, mais comme tout génie, il a parfois
tendance à la controverse. Il est capable de péter les plombs un
peu trop facilement, ses rapports avec les autres se compliquent.
En
tout cas, s’il est un homme avec qui le ton passe toujours,
c’est bien Ching Siu-Tung, peut-être que ce dernier accepte
plus facilement de faire des concessions aux changements d’idées
perpétuels de son mentor ?
Leur
collaboration reprend avec la signature d’un troisième volet
aux extraordinaires Histoires
De Fantômes Chinois. Cette fois Tony Leung Chiu-wai remplace
Leslie Cheung dans un rôle de moinillon complètement hilarant.
Une nouvelle fois, le film est une véritable démonstration esthétisante
d’où point un certain saphisme. La poésie est au rendez-vous
de cette sorte de remake du premier épisode, qui sans atteindre
les sommets de son prédécesseur demeure comme souvent chez Ching
Siu-tung, un spectacle haut en couleurs. L’érotisme sous-jacent
est plus que jamais présent dans ce nouvel opus. Un érotisme
soft pas réellement démonstratif, mais réellement présent.
Avant
de se retrouver pour une suite au Swordsman
« de » King Hu, les deux hommes se sépareront le
temps que Tsui Hark participe à la co-réalisation d’une comédie
The Banquet. Tournée à
la va vite afin de collecter des fonds pour les victimes des
inondations en Chine, cette comédie souffre d’une inconstance
et est trop tiraillée pour tenir la route.
Après
cette parenthèse dont les bonnes intentions dépassent les prétentions,
l’homme à la barbichette laisse libre court à Ching Siu-tung
pour mettre en scène un Swordsman
2 auquel il ne manquera pas d’apporter sa pierre à l’édifice.
Idée de génie, la présence de Lin Ching-Hsia en guerrière
hermaphrodite, sa beauté resplendit sur l’œuvre.
Commercialement parlant, le film est un véritable succès, et
lance tout un tas de sous-produits. Jet Li remplace Sam Hui dans
le rôle titre.
Yuen
Woo Ping
Nous sommes en 1992 et le monde du cinéma d’arts martiaux va
connaître un véritable choc. En effet, Tsui Hark prépare une
suite à son génial Il
Etait Une Fois En Chine et il va confier la réalisation des
combats à Yuen Woo Ping, véritable maître en la matière et réalisateur
de plusieurs chef d’œuvres du genre (Drunken
Master, The Magnificent Butcher,…). Le résultat va au-delà
de toutes les espérances, des combats comme on en avait jamais vu
sur un écran, dont un chef de chorégraphie opposant Jet Li à
Donnie Yen. Ayant été accusé de soutenir des thèses racistes
et nationalistes dans le premier volet de la saga, il décide de
faire prendre un virage radicalement opposé politiquement parlé.
Il fustige le nationalisme et montre l’étranger sous un
meilleur jour. Autre idée de génie, il donne à l’acteur David
Chiang un rôle magnifique et fort intense. La mayonnaise prend et
ce film est une suite digne du premier volet. Un véritable succès
qui donne l’idée à Tsui Hark de réaliser une saga de neuf épisodes
sur la vie du bon docteur Wong Fei Hung. Il n’ira pas au bout de
son idée se contentant d’en produire six, plus une série télévisée.
Dans
l’optique de réaliser un film pour le nouvel an chinois, il
s’associe ensuite à Ringo Lam pour diriger Jackie Chan au
milieu d’un casting de rêve dans une comédie d’action fort réussie.
Il s’agit de Twin Dragons,
un Jackie Chan haut de gamme dans lequel Tsui effectue un caméo
rigolo.
Tsui
Hark a toujours avoué une grande passion pour l’univers de la
BD et plus particulièrement du manga, c’est dans cette optique
qu’il confiera au très inconnu Peter Mak la réalisation d’un
Wicked City directement
adapté de La Cité
Interdite du japonais Yoshiaki Kawajiri. Le résultat est
assez indigeste, croulant sous un trop plein d’images de synthèse
le film n’atteint pas son but et ne fait pas honneur au chef
d’œuvre de Kawajiri. A noter la présence de l’immense acteur
japonais Tatsuya Nakadai dans le rôle du bad-guy.
Retour
aux sources
Plus
en réussite dans le domaine du film en costumes chinois, il enchaîne
avec la production d’un wu xia pian hommage au grand King Hu.
Initié par Ng See Yuen, ce film produit par Tsui Hark sera réalisé
par un ami de John Woo, un bon artisan qui aura déjà officié
sur le premier Swordsman,
il s’agit de Raymond Lee. Très réussi, ce film rassemble un
casting fabuleux : Lin Ching-Hsia, Maggie
Cheung, Tony Leung Ka-Fai, Donnie
Yen. ON peut dire qu’il s’agit de l’une des
meilleures adaptations du style King Hu. Le combat final dans le désert
est un modèle de délire graphique à la chorégraphie étourdissante.
Ce Dragon Inn est
officiellement réalisé par Raymond Lee, mais a semble-t-il était
coaché par Ching Siu-Tung. Maggie Cheung attribue la paternité
à Tsui Hark…
L’année
1993 débutera avec un troisième volet à la mythique série des Swordsman. Toujours plus fou, toujours plus rapide, toujours plus
incompréhensible, mais toujours aussi efficace. East Is Red atteint un niveau de folie qui commence à déraper vers
le n’importe quoi, malgré ça il reste maîtriser, ce que ne
sauront pas faire certains copieurs qui par la suite donneront
dans l’absurdité et le débile profond.
Dans
la foulée et puisque tout marche par trois, Tsui reprend les rênes
de OUATIC pour un troisième
opus qui introduit de nouveaux personnages, dont Pied-Bot interprété
par Hung Yan-Yan qui deviendra un personnage important de la série.
La mise en scène reste toujours aussi maîtrisée, même s’il
manque le grand souffle épique des deux premiers épisodes. Il
est temps pour Tsui de changer de cap. De plus, ses rapports avec
Jet Li se sont méchamment envenimés, ce dernier claquant
la porte de la Film Workshop pour partir sous l’égide de Wong
Jing.
L’année
suivante, il abandonne la réalisation d’un quatrième épisode
des aventures de Wong Fei-Hung au chorégraphe Yuen Bun. Le jeune
acteur Chiu Man Chuk (19 ans à l’époque) reprend le rôle du
docteur. Bien qu’étant un spectacle tout à fait honorable, ce
quatrième opus n’en demeure pas moins très inférieur aux
autres. Agréable pour son côté purement spectaculaire, le film
perd en saveur, l’aspect psychologique disparaît au profit
d’une folie exacerbée. Tsui est très mécontent du résultat,
et décide de reprendre la chose en main.
Les
grandes récoltes de la Film Workshop
Cette année 1993 sera
marqué par une incroyable réussite au niveau de sa production.
La Film Workshop est bien inspirée cette année là.
Le
réalisateur Benny Chan rejoindra à son tour la maison de
production afin d’y mettre en scène un sympathique wu xia pian
tendance fantaisie, The
Magic Crane. Une réussite formelle au casting très alléchant :
Tony Leung Chiu-wai y côtoie Anita Mui et Rosamund Kwan pour un résultat
au-dessus de la moyenne qui surnage aisément parmi tout un tas de
produits frelatés. Visuellement totalement délirant, ce film
n’en conserve pas moins une certaine maîtrise des thèmes de
base du genre. Un bon produit labellisé Workshop aux effets spéciaux
qui font parfois sourire.
Iron
Monkey
La collaboration de Tsui Hark avec Yuen Woo Ping aura donner un
furieux film de kung fu aux combats hallucinants, OUATIC
2 . C’est certainement ce qui poussera Tsui à donner
au maître chorégraphe les clés d’un projet offrant une
jeunesse au docteur Wong Fei Hung. Il s’agit d’Iron
Monkey, narrant les aventures d’un héros à la Robin des
bois, campé par l’immense Yu Rong Guang. Donnie
Yen, quand à
lui, incarne le rôle du père d’un Wong Fei Hung enfant interprété
par… une petite fille ! Grandement réussi ce film est dans
la lignée de OUATIC,
une bonne dose d’action hautement chorégraphiée alliée à un
sens inouï du découpage et une grande direction d’acteurs. Ce
film est sans doute le sommet en matière de cinéma d’arts
martiaux, les chorégraphies sont quasi inégalées à ce jour. De
plus l’esthétique touche au miracle , l’image est
magnifique, tout est rassemblé pour faire de ce film un chef d’œuvre
du genre.
Tsui
Hark et le beau
La Film Workshop connaît une vague de succès sans précédents.
Tsui qui s’était mis en tête d’adapter La
Pérégrination Vers L’Ouest, renonce finalement pour cause
de trop grande complexité dans l’application des effets spéciaux.
Il reprend alors un vieux script qu’il avait prévu d’adapter
à la fin des années 80 pour les actrices Anita Mui et Gong Li.
Il remplace les deux interprètes initialement prévues par Maggie
Cheung et Joey Wong, personne n’y perd au change, et son film
The Green Snake est un véritable bijou à l’esthétisme délicieusement kitsch.
Il puise directement son inspiration dans le cinéma du grand
Bollywood indien pour la beauté de ses décors, on croît rêver.
Cette adaptation de la légende du serpent blanc avec deux
magnifiques interprètes féminines est une parfaite réussite que
malgré tout des effets spéciaux complètement ratés viennent un
peu gâcher. Dommage, on est passé tout près du chef d’œuvre.
La musique est un modèle du genre, une partition signé par le maître
hongkongais James Wong.
L’année
1994 commence sous les meilleures auspices lorsqu’il décide de
confier à l’homme de feu Ringo Lam (City
On Fire, Prison On Fire,…) la réalisation d’un pur sérial
d’aventure mélangeant le film de sabres et le film d’horreur
avec une grande réussite : Burning Paradise (Le temple du
Lotus Rouge). L’espace d’une collaboration
avec la Film Workshop,
Ringo Lam délaisse ses obsessions des travers de la société
hongkongaise pour trousser une œuvre efficace avec des scènes
d’action hallucinantes. Un excellent film se réclamant du pur
style Film Workshop, une
œuvre comme on aimerait encore en voir aujourd’hui.
Tsui
Hark aime se remettre en question, ce qui est l’apanage des plus
grands, sans cesse sur la sellette, il aime contredire ce qu’il
a mis longtemps à mettre sur pied. La preuve, il l’apporte avec
un OUATIC 5 qui est une
totale remise en question de tout ce qu’il avait aspiré à
mettre en œuvre dans sa saga sur le docteur Wong Fei Hung. Il délaisse
les tendances politico historiques pour livrer un film purement dédié
à l’éclate. Il réussit un sérial fou qui impose l’acteur
Chiu Man Chuk, futur interprète du rôle titre dans la prochaine série
TV des aventures du héros chinois. Foncièrement, l’esprit
n’y est plus vraiment, mais restons persuadé que le ton dut être
à la franche rigolade sur le plateau de cette tentative de démystification
qui voit Wong Fei Hung commettre des actes comme l’utilisation
d’une arme qu’il n’aurait jamais commis avant cela. Tsui est
un homme qui sait se remettre en question.
Son
film suivant est tout simplement l’un des plus beaux films de
l’histoire du 7ème art . Remake du Butterfly
Lovers du vétéran Li Han-Hsiang, The
Lovers est esthétiquement totalement réussi, certains plans
tiennent du miracle, la musique rajoute au sentiment de rêve éveillé.
Une somptueuse histoire d’amour qui tant émotionnellement que
graphiquement atteint des sommets. Un film à découvrir
d’urgence pour tout amateur du beau.
Les
années de braise
Nous sommes au début de l’année 1995, le succès de The
Lovers aura été conséquent, mais la film Workshop n’est
plus aussi florissante que par le passé. Pour cela, l’homme à
la barbichette accepte
de tourner deux produits de commande pour la Mandarin.
Le premier The Chinese Feast
est un agréable
et subtil mélange de comédie se déroulant dans le milieu de la
cuisine chinoise. Adaptant cet univers à celui des arts martiaux
par bien des aspects, il réussit à réunir un casting impeccable
qui tire aisément son épingle du jeu. Un bon produit de
consommation à ne pas mésestimer même si l’on est loin du
chef d’œuvre.
En
mal de véritable inspiration, Tsui Hark tentera de réactiver
l’esprit Film Workshop avec une comédie à l’eau de rose sur
fond de film fantastique, il s’agit de Love
In The Time Of Twilight, réunissant à nouveau le couple de
son chef d’œuvre The
Lovers, Nicky Wu et Charlie Yeung. Sans jamais le moindre du
monde atteindre les sommets de son illustre prédécesseur, cette
sympathique série B se laisse déguster sans mal. Il n’y a décidément
pas grand chose à jeter chez Tsui Hark…
Malgré
un résultat tout à fait honorable, on sent Tsui Hark en
perdition, son esprit n’y est plus vraiment. Il se creuse les méninges
afin de trouver une nouvelle orientation pouvant lui permettre de
se relancer artistiquement. Seulement en est-il encore capable ?
Lame
des guerriers
Les plus grand artistes connaissent le creux de la vague,
le manque d’inspiration, le stress de la page blanche. Tsui Hark
n’est pas en reste et c’est dans l’un de ces instants de
solitude que le déclic a dû venir… Remettre sur pied le mythe
du sabreur manchot était en soi une gageure que peu de metteurs
en scènes n’auraient tenter. Les codes du genre étant complètement
définis, enfermés dans une sorte de déontologie, un respect des
valeurs que seul un agitateur pouvait tenter de bousculer. Tel un
d’Artagnan des temps modernes, l’homme à la barbichette part
alors défier les normes du genre dans un grand cri de furie
hallucinant. Une remise à plat des notions de l’héroisme, une
œuvre barbare et sauvage qui ne laisse pas indemne, son titre The Blade. Les codes de la chevalerie sont bousculés à grands
renforts de mouvements de caméra, une caméra témoin qu’il
porte comme un reporter de guerre afin d’entrer dans les chairs.
Un univers de sauvagerie dans lequel les moines rédempteurs
finissent écrabouillés, où les femmes sont objet, objet de
tentation, une tentation animale dénuée de toute notion
romanesque. Tsui Hark donne au wu xia pian son chantre de la
douleur, un grand cri de rage qui traverse les frontières, fait
le tour des festivals et scotche littéralement l’amateur du
genre. On peut donc tout bouleverser, tout remettre en question…
Tsui l’a fait. The Blade peut-être
considéré comme un véritable chef d’œuvre, non les mots ne
sont pas pesés, un diamant brut, une remise en doute des données.
Ceci changera la donne mondiale, le cinéma de genre prendra un
tournant différent. Tsui en réécrit la donne.
La
suite…
… sera l’adaptation pour la télévision des aventures de Wong
Fei Hung. Huit téléfilms divisés en quatre épisodes. Le rôle
titre revenant à Chiu Man Chuk, on retrouve les principaux
protagonistes de la série. Le meilleur épisode sera réalisé
par Daniel Lee, son titre The
8 Assassins.
Ensuite,
tsui reforme le couple Leslie Cheung/Anita Yuen (The
Chinese Feast) pour une comédie bancale Tri-Star.
Après
avoir confié à un jeune réalisateur, Akira Nobi, l’adaptation
de l’un de ses scénarii, Secret
Waltz, un film de vengeance se déroulant dans les milieux
yakuzas, il contactera le réalisateur Poon Man-Kit qui avait précédemment
livré un moyen To Be Number
One, afin de lui confier la réalisation d’une saga
maffieuse tirée de la série TV The
Bund avec Chow Yun Fat, c’est ainsi que naîtra Shangai
Grand. Un film qui a certainement dépassé les possibilités
de réalisation finalement assez limitées de son metteur en scène.
Le plus grand intérêt de ce « Parrain » à la sauce
HK résidera dans son magnifique duo d’acteurs principaux,
Leslie Cheung/Andy Lau fonctionnant parfaitement dans un film qui
même s’il est loin d’atteindre son but, renoue tout de même
avec le véritable esprit Film
Workshop.
Renouant
des liens avec l’acteur Jet Li, Tsui confie la réalisation
de Black Mask au jeune réalisateur du génial
wu xia pian expérimental What Price Survival, Daniel Lee. Tout à fait dans l’esprit
comic-book, ce film offre quelques belles scènes de combat chorégraphiées
par Yuen Woo Ping. Cependant, la réalisation manque de punch et pèche
par excès de complaisance.
La
rétrocession est proche et les envies d’aller voir ailleurs de
Tsui Hark se font de plus en plus présentes. La tentation
Hollywoodienne a déjà touché plusieurs de ses concitoyens et
pas des moindres, et l’homme à la barbichette sait que son tour
va finir par venir.
Hollywood,
justement possède ses genres de prédilection, ses modèles. Le
western est un genre typiquement américain puisqu’il y parle de
l’Amérique, de son histoire. Tsui a alors l’idée de
confronter son univers à celui du western. Il envoie Wong Fei
Hung au Texas, au milieu des cow-boys et des indiens en confiant
la mise en scène à Samo Hung. Jet Li reprend le rôle du bon
docteur dans un serial sympathique qui est cependant très en
dessous du niveau des autres épisodes de la saga. La série
commence à piétiner, il est temps de passer à autre chose.
JCVD
John Woo et Ringo Lam sont à Hong Kong, l’équivalent de ce
qu’un Brian De Palma et un William Friedkin sont au cinéma US,
c’est à dire deux cinéastes très importants ayant contribué
à l’histoire de leur cinématographie. Alors qu’est-ce qui
les aura pousser à mettre en scène les maladroites acrobaties de
l’acteur belge Jean-Claude Vandamme ? Et bien Tsui Hark
aura certainement réfléchi à la chose, et n’hésitera pas à
s’engager avec cet acteur plutôt mauvais sur deux polars déjantés,
qui à défaut de révolutionner le genre, auront définitivement
assis sa réputation de fou furieux.
Le
premier, Double Team est
une bouffonnerie complètement déjantée dans laquelle Tsui Hark
se met en tête de filmer comme jamais personne n’avait jamais
osé le faire auparavant. Sa caméra devient complètement folle,
presque incontrôlable, et avouons le, l’excès de folie tue
l’effet escompté. Son film est un ratage monumental, même si
la patte de Tsui demeure.
Après
avoir mis en chantier un projet d’adaptation animée des Histoires
De Fantômes Chinois avec le réalisateur Andrew Chen, il
repartira avec l’idée de défoncer définitivement les barrières
du maniérisme dans un joyeux et bordélique film de dingues, Knock
Off. Il repart à Hong Kong emmenant l’acteur belge. Encore
plus poussé que son précédent essai, ce polar expérimental
dans lequel il fouette les attributs de son acteur principal est
une sorte d’auto-ratage complètement jouissif. Tsui semble dire
« Vous en voulez ? Et bien je vais vous en donner… ».
Au final, il anéantit toutes notions de raison et s’auto-détruit,
l’air j’en-foutiste avant de repartir en son chez lui.
Back
to home
Son périple américain lui aura au moins permis de récupérer
des deniers pour la mise en œuvre de sa prochaine œuvre. La Columbia
inaugure sa toute nouvelle branche asiatique en lui confiant la réalisation
d’un polar mixant les notions de temps et d’artifices. Son
titre sonne comme une explosion TNT
– Time & Tide. Magistralement réalisé, ce film signe
son retour en son chez lui. Il y fait un constat éloquent,
les temps ont changé, les pop-stars remplacent les artistes. Il
prend donc deux acteurs à la mèche, et leur fait danser la samba
en les faisant accoucher dans la douleur. Il se « venge »
de John Woo et de son opéra sauvage Hard Boiled , dans un film mélangeant les styles de Wong Kar Wai et
du réalisateur de The
Killer, les accommodant à la sauce Tsui Hark. Et voilà ce
que donne le résultat d’une opération consistant à mettre les
influences de trois génies dans un même film… un objet
impalpable ! La cohérence n’est pas au rendez-vous, mes
quelle claque visuelle ! Tsui Hark vient de redéfinir les
grandes lignes du polar de demain… on parie ?
Son
retour promet encore bien des surprises, des choix complètement
inattendus. Comme par exemple confier la réalisation d’un film
pour enfant mélangeant personnages réels et personnages de
dessin animé dans le style du Roger
Rabbitt de Robert Zemeckis, à un roi de la catégorie 3
craspec… autant le dire, un truc inimaginable !… et bien
pourtant c’est ce qui va se passer, son projet Master
Q 2001 atterri dans les mains d’Herman Yau le réalisateur
de The Untold Story et
de Ebola Syndrome, soit
deux des films les plus écœurants et hallucinés du cinéma de
l’ex colonie. Le résultat est, au-delà de toute attente, une véritable
réussite. Réussissant la parfaite symbiose de deux univers,
Herman Yau maîtrise totalement et le ton est décontracté et même
légèrement un peu acide, juste ce qu’il faut. Une réussite
indéniable.
Legend
Of Zu
Tsui Hark a toujours eu en secret le doux espoir de refaire Zu…
avec des pesos, alors quand l’occasion se présente, il
n’hésite pas un instant. Désormais il possède une manne
financière et un allié de poids avec la Columbia. Ainsi naît Legend
Of Zu un film d’une beauté formelle définitive. Malgré
quelques concessions au banquier américain en forme de clichés
occidentalisant, le film atteint son but, c’est à dire en
mettre plein la vue. De ce point de vue Legend Of Zu est un joyau de trouvailles sur lequel le temps aura,
j’en suis persuadé, un effet bénéfique. Dans l’état, il
demeure une œuvre saisissante de beauté, très (trop ?)
synthétique par moment. Un film qui va vite, très vite, trop
vite… un peu comme le premier Zu à son époque.
You
want a hero ?
Les scénaristes français Julien Carbon et Laurent Courtiaud
ayant déjà officié sur le premier Black
Mask sont conviés par le maître de la Film
Workshop de concocter un scénario pour donner une suite aux
aventures du justicier masqué. Ainsi naîtra Black
Mask 2, le film par lequel arriva le scandale.
Le
film n’est pas encore sorti que l’on entend déjà çà et là
des bruits courants sur les énormes difficultés rencontrées par
Tsui pour satisfaire les attentes de ses investisseurs. En gros,
les producteurs américains lui imposent une certaine vision des
choses qui le mettent hors de lui. Tsui est en colère ! Rien
à fiche de leur vision erronée de l’héroïsme.
L’endoctrinement du public de masse, la complaisance du
spectateur lambda à se complaire dans la tambouille artificielle
à tendance à l’irriter.
Au
final, le film sort en direct to vidéo dans une version charcutée.
Le résultat est paraît-il catastrophique, jamais Tsui Hark
n’est allé aussi loin dans la démesure et le n’importe quoi,
des bruits qui courent sur sa mort artistique… Lorsque le dvd
sort de ma platine, j’ai l’impression qu’une nouvelle fois
les conventions ont été bousculées, loin de moi l’idée de
crier au chef d’œuvre à la vision de ce spectacle plutôt
bancal… maladroit et inachevé, mais encore une fois, je viens
de prendre une claque visuelle ! Je rêve où Tsui Hark se
fout littéralement d’une certaine vision de l’héroïsme ?
Lui qui a rendu si beaux ses chevaliers volants, lui qui a tant
donné au genre, à ses conventions. Il donne aux gens qui veulent
lui imposer une certaine idée, une matière à ne surtout pas
secouer sous peine d’explosion. Pour Tsui Hark, la matérialisation
de l’héroïsme est autre chose que ces catcheurs représentant
de l’artificialité dans l’inconscient occidental. Alors sans
être un chef d’œuvre, ce film demeure un spectacle fort
jouissif et un constat (décharné) des aspirations d’un homme
à qui l’on a ôté le libre arbitre. Ils sont fous ces
occidentaux… Tsui Hark est un chien fou et on lui enlève
l’objet qu’il détenait. Les grands argentiers n’ont encore
rien compris…
Pour
continuer de vivre artistiquement, il lui faudra désormais tenter
une nouvelle fois de bousculer les conventions ou peut-être de
revenir à une certaine idée du cinéma. L’homme en est
capable.
Aux
dernières nouvelles, son ultime production, un film de vampires
confié à un artisan propre sur lui, est un bon spectacle, The
Era Of Vampires.
And
now ?
Maintenant, Tsui sifu, sachez que tous les fans de l’univers
vous attendent sur le terrain de la refonte des genres, sur un
terrain glissant que vous avez si souvent foulé. Pourquoi ne pas
remettre sur pied vos projets de réactualiser le thème du
sabreur manchot comme le fit en son temps le trilogique Chang Cheh ?
En toute évidence, la grande Hong Kong a besoin de vous pour
s’affirmer de nouveau comme un lieu où tout est possible.
Retour
Première partie du portrait
Philippe
Quevillart, Avril 2003
Jet Li - Mon ami
Ching Siu-tung - Yuen Woo-ping - Retour
aux sources - Les
grandes récoltes de la Film Workshop
Iron Monkey - Tsui
Hark et le beau - Les années de braise
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now ?
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