Ancien
journaliste entré à la Shaw
Brothers à la fin des années 50, où il fut nommé directeur de
publicité, Raymond Chow fut promu chef de
production au sein de l’empire Shaw en 1962. A
la suite de diverses divergences de point de vue sur la politique à
suivre, il décide de démissionner et va monter
en 1970 sa propre société de distribution : la Golden Harvest.
Raymond Chow profita de la mort accidentelle du patron de la Cathay
(l'ancienne "MP & GI", la grande concurrente de la Shaw
Brothers) pour s'approprier ses studios et toute son infrastructure.
Avec lui il emmène les réalisateurs à succès Huang Feng qui
lancera Angela Mao et Lo Wei qui sera à l'origine de The Big Boss,
le premier hit de Bruce Lee et des premiers grands succès de Jackie
Chan.
C'est à cette époque que le cinéma mandarin de la Shaw Brothers
allait décliné et que Raymond Chow compris que le public de Hong
Kong parlant majoritairement le cantonais avait besoin d'un cinéma
qui parle dans sa langue. Face à la crise qui pointait avec la part
grandissante de la télévision et continuant dans la logique du
marché, il produisit alors moult wu xia pian et réussit à débaucher
la star de l'époque : Jimmy
Wang Yu qu'il fait tourner dans le gros succès de 1971 : Zatoichi
and The One-armed Swordsman. La machine était rôdée, mais la
véritable découverte et la consécration de son studio fut sans nul
doute Bruce Lee qui va désormais faire rentrer la Golden Harvest
parmi les plus grandes maisons de production de l'Extrême Orient. En
effet, c'est Chow qui vit le potentiel de l'acteur à son retour des
USA où il sortait d'un succès d'estime avec le personnage de Kato
dans la série TV "Le Frelon Vert" (The Green Hornet). Le
succès international de Big Boss et des autres Bruce Lee vont
alors asseoir les bases de l'empire Chow.
4 photos du premier succès de Raymond Chow et
Bruce Lee : The Big Boss
Pour arriver à ses fins, il changea
les pratiques usuelles : à contrario des habituels contrats de la SB
(une centaine de $ par mois et plusieurs années à leurs mercis),
Raymond Chow propose à ses stars un salaire digne de leur rang et
même une participation aux recettes de leurs films. Les laissant
libres d'agir, ils parviendront à saisir les véritables désirs du
public. C'est de cette manière qu'il sera à l'origine de l'explosion
de carrière de Jackie Chan
et Michael Hui : les rois respectifs du kung-fu et de la comédie des
années 70-80.
A la mort prématurée de Bruce Lee, la Golden Harvest fut un moment
déstabilisée : les clones de la star commençait à pulluler pour
combler le vide laissée. Fort de ses succès dans toute l'Asie,
Raymond Chow n'hésita pas à tâter l'international : il embauche
Burt Reynolds pour 5 millions de $ afin de montrer Jackie Chan et
Michael Hui au monde entier à travers la comédie d'action L'équipée
du Canonball (Canonball Run). Le triomphe est au rendez-vous
et il n'hésite plus à produire des films non-asiatiques comme Les
aventuriers du bout du monde (High Road To China), un rip-off
de Indiana Jones et Signé Lassister avec à
chaque fois Tom Selleck pour héros. Il s'adjoignit même d'autres
acteurs occidentaux sur le retour comme Chuck Norris et George Lazenby,
et des réalisateurs "renommés" comme Robert Clouse, Hal
Needham et même Roger Vadim ! Il produira ensuite 2 essais
pour finaliser l'arrivée de Chan : Le Chinois (The Battle
Creek Brawl) et Le retour du chinois (The Protector),
mais hélas la sauce ne prend pas et il faudra attendre plus de 10 ans
pour que Jackie rencontre enfin le succès international qu'il
méritait.
Les stars de la Golden Harvest à la grande
époque
La Golden Harvest avait donc trouvé
sa star qui allait la faire survivre pendant que ses principaux
concurrents dont la Shaw Brothers s'écroulaient les uns après les
autres. Elle fit également des frères Hui les rois de la comédie
hongkongaise dans les années 80 avec la série des Mr Boo. C'est
elle qui remis sur les rails du succès John Woo avec également des
comédies à succès... Mais le studio ne se résume pas un seul ou
quelques stars : il réussit à suivre la mode et participera aux grands
succès de la fin des années 90 comme la série des Il était une fois
en Chine qu'il co-produira avec la Film Workshop de Tsui
Hark et des mégas succès locaux comme Storm Riders et A
Man Called Hero avec Ekin Cheng comme faire-valoir et Wong
Jing comme co-producteur. Bref, Raymond Chow
a réussi son pari de faire de la Golden Harvest un grand studio sur
lequel il fallait compter. Et seul l'avènement de petites structures
indépendantes ont pu faire ébranler la grande machine. C'est d'ailleurs
pour cela qu'elle s'est associée avec elles pour pouvoir supporter le
poids de superproductions à vocation internationale. Cela fonctionne
bien, et l'avenir de la Golden Harvest semble se dérouler sous de bons
hospices.
Jean-Louis Ogé (mai 2003)
A lire aussi
:
- portrait + interview de Raymond Chow dans le numéro spécial HK
des Cahiers du Cinéma de septembre 1984
- le schisme Chow par les frères Armanet dans leur livre "Ciné Kung
Fu"
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