Largement oublié
de nos
jours, Wong Yu peut être considéré comme le
premier
acteur-farceur de la kung-fu comédie, genre initié
par
Liu Chia-liang avec son Spiritual Boxer
de
1975, soit plus de deux ans avant le Snake in
the
Eagles Shadow de Yuen Woo Ping. A cet égard, Wong Yu fut souvent considéré
comme
le « Jackie
Chan » de la Shaw Brothers, quand bien
même
il demeure le véritable inspirateur du
genre.
Il convient, bien entendu, de ne pas confondre
cet
acteur avec son quasi-homonyme
Jimmy Wang Yu, avec lequel il partage de
surcroît
une certaine ressemblance physique. Pourtant,
cette
coïncidence nen serait pas une. En effet, la
rumeur
cinématographique raconte que
Run Run Shaw, propriétaire des studios de la
Shaw,
fut si irrité du départ de Jimmy
Wang Yu en 1970 quil décida
dengager
un acteur aux traits semblables et de
laffubler
volontairement dun nom pouvant prêter à
confusion.
Bien plus, il aurait contraint son nouveau poulain
à
ne jouer que des personnages de bouffon de manière
à
ridiculiser la star auprès du public local. Bien
que
très amusante, cette rumeur nen demeure pas
moins
très discutable et il est évident, que même si
fondée
à son origine, Wong Yu développa rapidement un
style
propre, certes loufoque, mais dans tous les cas
très
éloigné de la simple parodie de personnalité.
Les
débuts de Wong Yu devant les caméras sont
relativement discrets. On peut lapercevoir
ici et là dans des productions diverses tels
que Bloody Fists, puis un film érotique
The Golden Lotus, suivi de quelques
drames dont Thirteen, Young Passion, The
Teahouse et sa suite Big Brother Cheng.
En 1975, Wong Yu croise la route de Liu
Chia-liang,
alors sur le point de débuter sa carrière
de réalisateur. Lassociation donnera
lieu au premier film de la kung-fu comédie, Spiritual
Boxer dont lhistoire narre les
aventures martiales dun jeune
escroc-magicien expert
en exorcisme et en boxe spirituelle. A cette
occasion, Wong Yu fait preuve dun
talent comique indéniable, construisant un
personnage de loufoque au grand cur.
Certes, sa présence martiale est inférieure
à celles des grandes stars de lépoque
tels que Ti Lung ou
Chen Kuan
Tai, mais son
agilité naturelle associée à lentraînement
prodigué par son réalisateur Liu
Chia-liang
fait néanmoins merveille à lécran.
Cette production fut un succès, atteignant
la septième place au box office locale,
devenant de surcroît le film de kung fu le
plus populaire de lannée.
Lannée
suivante, Wong Yu travaille à nouveau avec
Liu Chia-liang pour le film Challenge of
the Masters, production pour laquelle il
tiendra une fois nest pas coutume un rôle
très sérieux, avant de retrouver un
personnage excentrique dans Executioners
From Shaolin, toujours réalisé par Liu
Chia-liang.
Lannée
1977 est aussi loccasion pour Wong Yu
de faire une tentative hors des studios de la
Shaw Brothers en acceptant de tourner dans le
premier film de Lau Kar-wing, He Has
Nothing but Kung Fu. Associé à Gordon
Liu, il y joue à nouveau un personnage descroc
sympathique, proche dans sa composition de
celui de Spiritual Boxer. En 1978,
Wong Yu récidive avec Lau
Kaw-wing dans Dirty
Kung Fu, une autre comédie martiale dans
laquelle il interprète un chasseur de primes
débutant.
Dès
1978 et le Snake in the Eagles
Shadows de Yuen Woo Ping, avec
Jackie
Chan, la kung-fu comédie explose au box-office
et rencontre tous les suffrages dun
public avide de nouvelles sensations. Ce sont
également des années de gloire pour Wong Yu
qui enchaîne les projets : Proud
Youth, Spiritual Boxer 2, Kung
Fu Instructor, Young Avenger et Kid
with a Tatoo. Néanmoins, son meilleur rôle
durant cette période reste le personnage
titre de Dirty
Ho, un petit escroc
arrogant devenant le garde du corps dévoué
dun prince mandchou vaniteux joué par
Gordon Liu.
Entre 1980 et
1983,
Wong Yu tourne en moyenne trois films par année,
alternant
les genres, passant de la kung-fu comédie typique
(Kid
from Kwantung, Young Vagabond, Tale
of
an Eunuch) au drame historique (Battle for
the
Republic of China), de la farce bruyante
(The
Shy Boy, How To Choose a Royal Bride) à la
production
martiale classique (Roar of the Lion, Crazy
Shaolin
Disciple, Masters Strikes Back), sans oublier
de
rester lun des acteurs les plus fidèles de
Liu Chia-liang (Lady is the Boss,
Eight
Diagram Pole Fighter). Néanmoins, la crise que
traverse
la Shaw Brothers au début des années 80 (et qui
débouchera
sur sa chute) commence à se répercuter sur ses
acteurs
dont Wong Yu. Celui-ci se voit
progressivement
considéré comme un simple clone de Jackie
Chan, artiste avec lequel il est de surcroît
incapable
de rivaliser compte tenu de ses capacités
physiques.
Parallèlement, il est cruellement frappé par
le
destin lors du terrible accident de voiture qui
coûte la
vie à
Alexandre Fu Sheng le 7 juillet 1983 et dans
lequel
il est lui-même blessé. Wong Yu était un ami
proche
de Fu Sheng et fut très affecté par sa mort.
Le dernier
film
tourné par Wong Yu pour les studios de la Shaw
Brothers
est Girl with a Diamond Slipper (1985),
production
qui, outre le fait dêtre réalisée par
Wong Jing, offre à
Maggie Cheung lun de ses premiers rôles
au
cinéma. La fermeture des célèbres studios laisse
Wong
Yu dans le désarroi le plus total. Ayant sombré
dans
lalcoolisme et la drogue, il trouve un peu
de
travail à la télévision et fait quelques
apparitions
sporadiques au cinéma, la plupart du temps dans de
petits
rôles, en particulier aux côtés de licône
des
« Girls with guns movies », la japonaise
Yukari
Oshima (Framed, GodfatherDaughter
Mafia
Blues, Spiritually a Cop). Il travaille
également
avec Stanley Kwan dans Rouge et Center
Stage.
En 1993, Sa carrière se termine définitivement et
dans
lindifférence générale avec une incursion
fatale
dans deux catégories III érotiques, Power of
Love
et Peach Sex Noxious Star.
Aujourdhui,
loin de sa gloire passée, Wong Yu na plus
aucun
lien avec lindustrie du cinéma et serait
actuellement
mauvre dans une usine de Hong Kong...
(adapté
du BRNS par Stéphane Jaunin)
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