Histoire
: Chine,
années 30. Biao (Liu Chia Liang) est chef d'équipe
dans une société de transport d'objets de grande
valeur qu'il protège grâce à sa maîtrise
des arts martiaux (et notamment de la technique de la "boxe
du singe / monkey fist"). Il découvre un jour
que les faibles revenus que ce travail procure ont poussé
un de ses collègues à faire du trafic d'opium
avec des Occidentaux. Avant qu'il ait pu contacter les autorités,
il est battu, laissé pour mort... et est finalement
recueilli par une jeune paysanne. Un an plus tard, deux étudiants
partent à sa recherche afin d'apprendre la boxe du
singe. Leur découverte ravivera la haine de ses ennemis...
Critique
de David-Olivier :
Huit ans que Liu Chia Liang, autrefois figure de proue de
la dernière grande époque de la Shaw Brothers
(fin des années 70 / milieu des années 80),
disciple de troisième génération de Wong
Fei Hung, n'avait réalisé de film. Il nous avait
laissé sur une immense déception, le nanard
Drunken Master III (1994), où il apparaissait
clairement que sont rôle dans l'excellent Drunken
Master II avait dû être plus que limité
(je rappelle qu'un différend est survenu sur le tournage
entre Jackie Chan et Lu Chia Liang, et que ce dernier a été
débarqué ; Jackie Chan a achevé le film
sans le co-signer et nous n'avons aucune indication sur la
paternité des différentes scènes ; Liu
Chia Liang, pour contre-attaquer, a mis en chantier Drunken
Master III dès son éviction, pour un résultat
pitoyable... on est donc en droit de penser que Drunken
Master II est un film de et avec Jackie Chan !). Il est
ainsi acté que Liu Chia Liang n'avait pas réalisé
de grand film depuis l'année 1983 et son The 8 Diagram
Pole Fighter (si l'on considère que Disciples
Of the 36th Chamber [1985] et Martial Arts Of Shaolin
[1986] ne sont pas des chefs-d'oeuvres !). La question est
aujourd'hui celle-ci : Drunken Monkey sera-t-il le
film de la renaissance d'un des plus grands réalisateurs
/ chorégraphes hongkongais ?
Hé bien non, désolé...
Malgré son budget de plus de 10 millions de dollars
hongkongais, son titre (auto-proclamé !) de "premier
film de kung-fu du nouveau millénaire", son casting
bien alléchant (Jacky Wu, Gordon Liu, le maître
lui-même), sa volonté de ne pas utiliser d'effets
spéciaux et de limiter les câbles, Drunken
Monkey, co-production sino-hongkongaise, est une sacré
déception...
Tout d'abord le casting.
Si on était bien sûr heureux de retrouver Liu
Chia Liang, on l'était tout autant de voir à
nouveau combattre le grand Gordon Liu, artiste martial émérite
de la série des 36th Chamber Of Shaolin, de
Legendary Weapons Of China et autres The 8 Diagram
Pole Fighter. Or, il ne tient en fait qu'un rôle
secondaire (il est même crédité comme
cameo dans le casting officiel !) et n'a pas une seule fois
l'occasion de nous faire la démonstration de son immense
talent. Deux questions viennent à l'esprit : Gordon
Liu est-il encore physiquement capable d'être la vedette
d'un film d'arts martiaux ? Liu Chia Liang a-t-il minimisé
son rôle pour conserver la tête d'affiche ? A
vous d'en juger... Jacky Wu, prometteur dans Legend Of
Zu de Tsui Hark, n'a aussi que peu l'occasion de s'exprimer
au combat. Encore un coup de Liu Chia Liang ? Car finalement,
c'est sur lui que le film repose : il est au centre de quasiment
toutes les scènes d'action, mène les combats
(même ceux d'un générique très
"old-school") et ne laisse que peu de place aux
autres. Le problème, c'est que Liu Chia Liang n'a plus
20 ans (ni même 30, 40 ou 50 !) et a du ventre...
Producteur, réalisateur,
service presse se sont réclamés du film d'arts
martiaux traditionnel, c'est-à-dire sans utilisation
abusive des effets spéciaux numériques (spécialité
de la fin des années 90), comme cela peut être
le cas dans Storm Riders ou Avenging Fist :
un acteur qui a du mal à faire la roue pourra paraître
aussi doué que le Jet Li des débuts. De même,
les câbles ont été mis à contribution
avec parcimonie, alors qu'ils étaient de tous les combats
au début des années 90 (voir la série
des Once Upon A Time In China, des Swordsman...).
C'est louable, mais pour rendre la chose attrayante, les scènes
d'arts martiaux se doivent d'être chorégraphiées
avec brio, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Elles
sont au contraire poussives et fort mal filmées.
Même si le sujet
de la vengeance a été maintes et maintes fois
traité dans le cinéma hongkongais (à
tel point que certains journalistes l'ont qualifié
de "Cinéma de la vengeance" - voir le livre
séminal Cinema Of Vengeance de , malheureusement
épuisé), l'histoire aurait pu être intéressante
si seulement la tentation de la comédie n'avait pas
été la plus forte... Une nouvelle fois, à
force de vouloir ratisser large et faire un film pouvant satisfaire
un maximum de spectateurs, un réalisateur livre une
oeuvre hybride. D'un côté, un récit sombre
de trahison et de vengeance au sein d'une quasi famille, de
l'autre, une gaudriole niaise et lassante avec, pour seul
ciment, des scènes d'arts martiaux loin d'être
convaincantes. Du beau gâchis !
Certains films sont des
hommages à des genres passés (la série
des Indiana Jones, par exemple) : ils recyclent les
poncifs, les lois du genre et y apportent un décalage
salutaire. D'autres sont de pâles copies de films qu'on
ne fait plus : aucune réflexion sur le genre, aucun
recul... de véritables films "réactionnaires",
du "photoco-pillage" ! Sans être trop méchant
avec Drunken Monkey, il se rapproche sans conteste
de la deuxième catégorie. Ce nouvel essai de la Shaw Brothers de revenir dans la course
des films d'arts martiaux (après le lui-aussi peu réussi
Hero) est encore une fois un échec. Au lieu
de se pencher sur son passé, cet autrefois grand studio
devrait inventer le futur !
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