L’histoire des frères Shaw est
directement liée à l’histoire du cinéma de l’ex-colonie. Leurs premiers
rapports commencèrent dans les années 20. La famille Shaw, ou plus exactement
Shao, originaire de Shanghai, était composée de quatre fils : Shao
Zuiweng, Shao Cunren, Shao Renmei et Shao Yifu. Leur père était un riche homme
d’affaires de Shanghai. L’aîné des quatre frères, Zuiweng, fut le premier
à investir dans la production cinématographique en créant la Tianyi
Film Company en 1925. L’industrie shanghaienne de l’époque était
composée de multiples compagnies plutôt fauchées et sans véritable
organisation.
En 1928, Shao Renmei et son frère Yifu
quittèrent leur ville natale pour Singapour, où ils s’associèrent avec le
propriétaire d’un cinéma local et commencèrent d’importer des films
chinois produits par la Tianyi Film Company de leur frère. Ils prirent alors des prénoms
malais, Renmei devint Runme Shaw et Yi Fu devint Run Run Shaw.
Les années 30 furent marquées du sceau
Shaw (sic !), ils étendirent leur hégémonie sur tout le sud-est
asiatique. Pour exemple, à leur arrivée à Singapour il n’y avait qu’une
salle de cinéma, dix ans plus tard, il y en avait plus de 100 !
Le
départ vers Hong Kong
En 1934, Shao Cunren
partit s’installer à Hong-Kong, il acquit lui le nom malais de Runde
Shaw. Il imposa le cinéma parlant cantonais.
En 1937, Shanghai tombait aux mains des
japonais, la majeure partie des maisons de productions tombèrent. La Tanyi Film Company elle, sut profiter de sa large mainmise sur le
sud-est asiatique pour résister.
En 1940, la guerre civile provoqua une
fuite des capitaux de Shanghai vers Hong Kong, certains de ces capitaux se placèrent
dans la production cinématographique. En 1946 Runde Shaw s’associa avec un
groupe d’investisseurs immigré et fonda Great
China, véritable pionnière du langage mandarin à Hong Kong. Deux ans plus
tard, la Great China eut la mauvaise
idée de repartir s’installer à Shanghai, ce qui provoqua sa chute. Runde
Shaw revint dans le giron familial. En 1950, il fonda la Shaw ans Sons Ltd. La
principale activité de la nouvelle compagnie était de produire des films en
mandarin pour tout le sud-est asiatique.
La
naissance de la Shaw Brothers
La concurrence était rude à l’époque,
et la Shaw And Sons Ltd fut rapidement
éclipsée par sa principale rivale, la MP
And GI (Motion Picture & General Industry). La grande expérience de
Runde Shaw le fit réagir rapidement, il acheta un immense terrain à Clearwater
Bay pour y construire de nouveaux studios.
En 1958, alors que la MP
& GI dominait le marché de tout le sud-est asiatique, Run Run Shaw
quitta Singapour pour Hong Kong afin de reprendre la compagnie familiale. En
cette fin d’année 1958, il créa une nouvelle compagnie de production baptisée
Shaw Brothers.
L'empire
des Shaw
La première production Shaw Brothers fut
un film en costumes réalisé par le Li Han-Hsiang, The
Kingdom & The Beauty. Ce film fut le premier film en couleur réalisé
à Hong Kong. Le principal objectif de Run Run Shaw était de battre son
principal concurrent sur le terrain, afin de pouvoir installer son hégémonie
sur tout le sud-est asiatique. Pour ce faire, il entreprit de construire un
immense studio sur les terres de la Clearwater Bay. Il construit un véritable
empire, composé non seulement de studios de tournage, mais également d’écoles
de comédie, de vastes magasins de costumes, et d’ateliers de développement
et d’études. Le « Movietown » ouvrit à Clearwater Bay en
1961. Jamais une telle entreprise avait été conçue auparavant, Run Run Shaw
venait de créer le "dinosaure Shaw Brothers".
Run Run Shaw avait une stratégie bien
simple, basée sur la publicité, autant dire qu’il savait se vendre. Afin
d’étendre son pouvoir, il engagea un ancien journaliste comme directeur de
publicité, son nom, Raymond Chow.
Le
règne du Prince Chow
En 1962, Raymond Chow fut promu chef de
production au sein de l’empire Shaw. Au milieu des années 60, les Shaw se
risquèrent à des co-productions avec le géant japonais, un film comme L’Impératrice Yang Kwei Fei de Kenji Mizoguchi fut le fruit
d’une union avec la Daiei. Run Run
Shaw eut alors l’idée d’engager des réalisateurs, des techniciens et des caméramans
japonais pour ses studios de Clearwater Bay, ces derniers apportèrent aux
studios un certain savoir faire.
L’ascension des Shaw Brothers prit une
dimension phénoménale, accélérée par l’écroulement de plusieurs autres
compagnies comme la Cathay que Raymond
Chow reprendra à son départ de la Shaw
pour créer la Golden Harvest, mais ça
c’est une autre histoire…
Le succès était tel que les productions
Shaw commençaient à dépasser les films américains au box-office. Le premier
film chinois à dépasser les super-productions occidentales fut Dragon Gate Inn de King Hu, réalisé à Taïwan en 1967 et projeté à Hong-Kong deux ans plus tard. A
partir de cet instant les productions locales dépassèrent quasiment tout le
temps les productions importées.
Une
compagnie trop rigide
Le succès des productions Shaw eut un
revers dans le sens où jouant un peu trop sur leur succès, ces productions
eurent tendance à se répéter trop souvent et à perdre souvent en qualité.
Raymond Chow qui avait quitté la Shaw Brothers avait compris cela lui, il créa
la Golden Harvest et démontra
qu’une plus grande souplesse garantissait une certaine continuité. Lorsque
Bruce Lee, de retour des Etats-Unis refusa à Run Run Shaw un contrat sous-payé
et signa à la Golden Harvest, ceci eut un effet néfaste qui faisait de tout
les insatisfaits de la Shaw de potentiels clients pour la maison de production
de Raymond Chow. Des artistes comme Jimmy Wang
Yu, King Hu, Lo Wei ou les frères
Hui quittèrent l’entreprise Shaw pour aller faire les fantastiques succès de
la Golden Harvest. Un artiste comme Michael Hui fit exploser le box-office pulvérisant
même les plus grands succès de Bruce Lee avec des films comme The
Private Eye ou The Contract, mais il s’agit encore une fois d’une autre
histoire…
Lorsqu’elle était à son sommet, au début
des années 70, la Shaw Brothers produisait environ une quarantaine de films par
an, en 1980 son nombre de production avait chuté à moins de vingt films..
L'inéluctable
déclin de l'empire Shaw
En 1979, la nouvelle vague
Hongkongaise naissait, ces réalisateurs venus de la télé,
les Tsui Hark,
Ann Hui, Allen Fong et consorts, aucun d’entre-eux ne signa
à la Shaw Brothers, ce qui fit chuté l’audience de ses productions.
Des réalisateurs comme
Chang Cheh ou
Chu Yuan commençait à se répéter et continuer de voguer
sur leurs succès passés.
Liu Chia-liang demeurait le dernier atout commercial de
la compagnie. En 1980, la majeure partie des permanents du
studio avaient quitté la compagnie, on cru alors que le Movietown
allait fermer ses portes.
Run Run Shaw aidé en cela par l’ex-chanteuse de cabaret Mona
Fong réussirent à parer au désastre en engageant et en produisant
des réalisateurs de la nouvelle-vague. Ann Hui et Alex Cheung
furent les premiers à s’engager. Le paradoxe est que pour
parer à l’immense concurrence de nouveaux dinosaures comme
la Golden Harvest ou la Cinema City de Karl
Maka, la Shaw Brothers fut obligée d’engager des auteurs
de la nouvelle-vague, ce qui ne va pas vraiment dans le sens
du succès commercial garanti.
Des
derniers soubresauts
Depuis,
la maison de production de Run Run Shaw continue à tenter
de voguer sur ses succès passés, un film comme Hero
de Corey Yuen
(un remake raté du Boxer From Shantung de
Chang Cheh et Pao Hsueh-Li) tentera une percée sur le
marché.
Récemment Liu Chia-liang est revenu
derrière la caméra pour réaliser un film de kung-fu produit par la Shaw
Brothers, Drunken Monkey…