Histoire
: Une
belle jeune fille est kidnappée par des brigands et
vendue à un bordel. Elle devient très vite la
proie des clients les plus riches et de la maquerelle, une
lesbienne violente et sans scrupules. Profondément
abattue les premiers mois, elle finira par maîtriser
le kung-fu et prendra conscience de l'ascendant qu'elle peut
avoir sur les populations masculine et féminine...
Critique
de Christopher
Violet
: Danger!
Sexe, mensonges et meurtres sont les ingrédients de ce film
atypique, un mélange de genre entre le film de sabre "wu
xia pian", le drame érotique et le film gore. A noter un
certain parallèle avec le thriller psycho-érotico-sanguinaire
« Basic Instinct »
de Paul Verhoeven avec Sharon Stone en Ainu moderne. Le titre
original "Ainu" également le nom de l'héroïne
signifie "Esclave de l'amour" qui reflète l'esprit du
film "qui s'y frotte trop à l'amour, s'y pique
fatalement" avec ou sans pic à glace.
Le point de départ du long métrage se traduit par ce
kidnapping sans scrupules de jeunes filles dont Ainu qui ont le
choix entre la mort ou devenir courtisanes, synonyme de
souffrance. Le ton est donné. La force de l’œuvre résulte
de son scénario qui opère un schéma inversé, un renversement
d'identité des héroïnes Lady Chun et Ainu. La première,
cruelle et sadique de nature, se montre plus humaine grâce à
l'amour aveugle qu'elle porte pour la deuxième. Mais, Ainu se
sert de l'amour sincère de Chun Yi pour parvenir à ses fins de
vengeance et devient à son tour un monstre. Le cinéaste Chu
Yuan écarte tout manichéisme. Aucun des deux protagonistes ne
cherchent à attirer la sympathie laissant une totale liberté
aux spectateurs d'en juger par eux-mêmes. Pourtant, on s'intéresse
et s'attache à l'héroïne Ainu et on légitime presque son
statut d'ange de la vengeance à titre de légitime défense par
rapport aux tortures psychologiques et physiques qu'elle endure
les premières années au bordel.
Dès le départ du film, tous les personnages sont pris au piège
de la souffrance et réduits au silence pesant. Ils accumulent
la haine, la violence intérieure, un cercle vicieux dont on se
demande comment ils vont s'en sortir. Lorsque certains passages
du film virent au gore, notamment les scènes de massacre des
contrebandiers et des jeunes prostituées et autres règlements
de compte entre Ainu, Lady Chun et Bao Wu où les bras sont
amputés à coups de sabre, on pénètre dans les tréfonds de
ces anti-héros et on se sent comme eux soulagés grâce à
cette délivrance sanglante. Vive les bras coupés!
Chu Yuan truffe le film de couleurs symboliques, notamment
celles des costumes portés par Lily Ho. Ici, le jaune représente
la lumière, la nouveauté, la virginité : Ainu habillée en
jaune lors de sa première "exposition" en public
devant ces clients-notables pour la vente aux enchères; le vert
(la peur) : Ainu en vert à l'instant où elle se fait violer
pour la première fois; le blanc (le deuil) : le jour où
Ainu devient courtisane, elle commence à porter du blanc (le
deuil), elle respire la mort alors que Lady Chun s'habille en
bleu (la vie, le rêve et l'amour); le rouge (la noce) : Ainu en
rouge offre trois prostituées au vieux notable afin de fêter
"la noce de sang" avec une mort entraînée par une
overdose sexuelle;
le rose (le péché de la chair) : Ainu en rose (à épines
mortelles) face au convoyeur
péri pour ledit péché; le noir (la nuit, la noirceur des
crimes) : Ainu en veuve noire face à
l'enquêteur Ji...
Lily Ho est parfaite dans son rôle de femme fatale et
vengeresse aux multiples facettes. D'un plan à un autre, son
visage change de celui de l'ange (innocent) déchu à celui du démon
avec son regard assassin qui glace l'écran. Lily Ho est
magnifiquement dirigée dans cette oeuvre audacieuse et esthétique
(voir la symbolique des couleurs pré-citée) qui met l'accent
sur l'homosexualité, le centre même de l'histoire. Ce qui fit
scandale à l'époque mais paradoxalement "Ainu" fut
l'un des plus grands succès du cinéma H-K en 1972 et l'un des
films phares de Lily Ho et du réalisateur Chu
Yuan.
En 1984, le cinéaste réalise « Lust
from love for a chinese courtesan » remake de « Intimate
confessions of a chinese courtesan », avec Candice
Yu An An (ex-femme
de Chow Yun-fat)
incarnant la redoutable proxénète Lady Chun, rôle plus étoffé
cette fois que celui de Ainu interprété par Nancy Hu Guan Zhen.
Alex Man Chi-Leung
succède à Yueh Hua
dans le rôle du flic et Chan Kuo-Chu reprend celui de Bao Wu.
Cette nouvelle version s'avère moins cruelle mais plus érotique
(à la limite du porno) avec un dénouement final différent de
l'original.
Entre les deux versions de "Ainu" et entre mes deux
idoles Lily Ho et Candice
Yu (deux femmes fatales),
mon cœur balance. Ainsi, je vous invite à visiter les
pages de leur bio-filmographie que j'ai moi-même complétées
en matière d'infos et de photos inédites.
Autres liens :
Lily Ho sur la HKMDB
Candice Yu sur la HKMDB
Lust
from love for a chinese courtesan sur la HKMDB
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DVD (zone 3) à la FNAC
Critique
de David-Olivier :
Intimate Confessions Of A Chinese Courtesean est un curieux
mélange de film d'arts martiaux, tels que Chu Yuan les
affectionne, et de film d'exploitation érotique, à
l'époque très en vogue dans le monde entier.
Du
premier genre, il adopte les figures emblématiques (chevaliers,
épéistes, brigands, forces de la loi...), les
sujets (vengeance, trahison...) et les chorégraphies
survoltées. Du second, il emprunte les thèmes
sulfureux - cinématographiquement parlant - du saphisme
(récurrent dans son oeuvre), du viol et de la torture,
en y apportant une touche d'érotisme visuel très
prude comparé aux catégories III qui fleuriront
près de vingt ans plus tard à Hong Kong. Encore
une fois chez Chu Yuan, le sexe sert le récit, le fait
progresser. Il ne se contente pas d'être une charmante,
mais banale, illustration.
Chu
Yuan s'est une nouvelle fois surpassé dans ses recherches
esthétiques. On le savait maître dans la fabrication
d'ambiances étranges et mystérieuses, utilisant
autant que possible les ressources des studios (aucun plan en
extérieur). Ici, même les vêtements arborés
par les deux héroïnes ont une signification selon
leur couleur et les situations pendant lesquelles ils sont portés.
Lily Ho est superbe dans son rôle de femme vengeresse,
résignée et acceptant son sort l'espace d'un moment...
Betty Pei Ting est aussi remarquable en maquerelle dont la seule
faiblesse aura été de tomber amoureuse d'une de
ses employées... Même dans sa folie meurtrière,
elle parvient à rester humaine, victime de ses passions.
La petite déception vient du côté de Yueh
Hua qui n'est malheureusement pourvu que d'un rôle subalterne
et peu développé. C'est d'ailleurs ce qu'on pourrait
reprocher à Intimate Confessions of A Chinese Courtesean
: embrasser trop de caractères pour pouvoir les décrire
tous avec satisfaction. La relation entre le policier et la
jeune prostituée aurait énormément gagné
à être approfondi. Dommage pour le spectateur...
Chu Yuan privilégie l'action centrale et la forme aux
dépens de la justesse des sentiments.
Intimate Confessions Of
A Chinese Courtesean est donc une
oeuvre à part dans la carrière de Chu Yuan qui
allait bientôt se spécialiser dans le genre du
film d'arts martiaux avec son scénariste fétiche
Ku Long. Moins labyrinthique et élaboré, en
termes scénaristiques et non esthétiques -,
que ses futures réalisations, on ne peut douter de
l'influence que cette oeuvre a eu sur les cinéastes
des années 80 et 90. Le meilleur exemple en est le
quasi-remake Naked Killer de Clarence Ford (Fok) :
amusez-vous à en compter les parallélismes !
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