" Une maison nest
jamais tranquille dans lobscurité pour ceux qui écoutent intensément. Les
fantômes ont été créés quand le premier homme séveilla dans la nuit ",
Sir J.M. Barrie.
" Les nouveaux fantômes gémissent, les
anciens pleurent, on les entend par les jours pluvieux et sombres ",
Tu Fu.
1- Historique des " Ghost
stories à sketches ".
Bien que les " Ghost stories " ne datent pas
dhier dans le cinéma de Hong Kong, elles se présentaient rarement, voire
exceptionnellement sous la forme danthologie de contes. En 1995, Andy Chin, surtout
connu pour être lauteur de Victory
(film de volley-ball à la manière de Jeanne et Serge hong-kongais), décide de produire
une comédie fantastique composée de trois récits. En raison dun emploi du temps
trop chargé, il propose à son assistant de lépoque, Wilson Yip, de réaliser les
deux premières parties du film. Une opportunité que Wilson saisit avec plaisir. Il peut
effectivement être ravi puisque lopération savère très rentable. Le film, 01 : AM, dépasse en effet rapidement
la barre des 6 millions de hk$ au box office (ce qui est très honorant à lheure
actuelle). Il faudra pourtant attendre deux ans pour que deux suites, 02 : AM & 03 :
AM, voient le jour. Réalisées cette fois-ci entièrement par Andy
Chin, elles ne présentent que peu dintérêt et vont définitivement enterrer la
série. Mais Andy a ouvert le bal et la mode est définitivement lancée.
Comme vexé de ne plus être de la partie ou tout simplement en
processus démancipation, Wilson reprend exactement la même formule et accouche de
son coté, à quelques semaines près, du trop inégal Midnight
Zone. Puis il abandonnera définitivement les films à sketches mais
pas les fantômes (2002), sans
oublier entre temps, de rendre une petite visite aux zombies (Bio-Zombie).
Ce sont des films phares comme Bullets Over Summer
qui ont révélé Wilson à travers le monde. Cest néanmoins 01 :
AM, de ses neufs premiers projets, qui a de loin enregistré les
meilleures recettes dans lancienne colonie britannique, démontrant à nouveau un
fort contraste entre les attentes du public local et international.
Les producteurs ont justement pris conscience des attentes locales
et le calendrier des sorties hong-kongaises de cette année 97 laisse ainsi place à un
feu roulant de films fantastiques : 97 sera donc lannée de toutes les
peurs ! On pourrait dresser une longue liste des films fantastiques, à sketches ou
non, qui se sont bousculés sur les affiches en cette année de rétrocession : des AM à Walk
In en passant par Midnight Zone
et autres Armageddon (le film HK)
Prenant soin de différer leurs sorties de celles des blockbusters (Lifeline,
Mr Nice Guy
), ces films, projetés durant le premier semestre,
prennent à chaque fois la tête du box-office la semaine de leur sortie. En revanche, ils
ne restent guère plus de trois semaines à laffiche ; des apparitions aussi
furtives dans le paysage cinématographique que les fantômes quils mettent en
scène.
Cest au milieu de cette abondance de " Ghost
stories " que va naître un phénomène : le début de la plus longue
série de films jamais réalisée à Hong-kong (et dans le monde ?) de ces dernières
décennies, celle des Troublesome Night.
Et le succès est immédiat. Pour la petite anecdote, précisons par exemple que le
premier épisode sest même permis de dominer Scream
au box office pendant une bonne quinzaine de jours. Impressionnant tout comme la
longévité de la série qui poursuit son petit bonhomme de chemin et comptabilise déjà
16 épisodes. A raison dune moyenne de trois segments par film, un rapide calcul
mental nous conduit à un total denviron 15 histoires rien quen cinq
films ! Puis, les Troublesome
abandonneront ces compendiums pour ne proposer plus quune seule histoire par film.
Cette série a balayé puis conquis le terrain des " Ghost stories à
sketches ", et plus personne nose venir la détrôner. Supplantant le
travail de leurs prédécesseurs, Herman Yau et Nam Yin ont vu juste. Qui mentionne encore
aujourdhui la série des AM ?
Loin des millions de HK$ récoltés à leur début, les Troublesome
se contentent aujourdhui de dépasser la barre des cents mille HK$. Chiffres certes
préoccupants, mais eu égard des faibles investissements que nécessite un épisode, la
série est encore une bonne affaire. Cest donc loin dêtre fini !
Dailleurs, Nam Yin, heureux producteur de la série, avait clairement annoncé la
couleur lors de son interview accordé à lApply Daily (26/10/98), faisant part aux
journalistes de son objectif aussi fou quambitieux : dépasser les 100
épisodes !!! Oui, vous avez bien lu !
2- Présentation de la série des
Troublesome Night
Nam
Yin et Herman Yau offrent à la " Ghost stories à sketches " ce que
Wong Jing et Andrew Lau ont offert aux films de Triades avec la série des Young & Dangerous : deux succès
comparables. Malgré des calendriers assez similaires, les fantômes nont pas eu à
affronter les lames tranchantes des jeunes racailles rebelles. Contrairement à la série
des AM, les Troublesome
Night se sont améliorés dépisode en épisode, pour finalement
atteindre une vitesse de croisière à partir du 3ème, et ce jusquau 6ème.
Cest en fait le septième épisode qui va marquer un tournant avec une forte baisse
de qualité. Néanmoins, la préservation de certains ingrédients, dont une partie du
casting et le thème musical propre à la série, vont permettre au charme dopérer
encore lors de quelques instants magiques.
Le premier épisode présente quatre histoires distinctes,
séparées et présentées par un petit discours de Simon Lui, qui assure la transition
façon Contes de la Crypte. On
retrouve néanmoins certains personnages dans plusieurs dentre elles, mais ils ne
représentent que des micro-connections. Heureusement, dès le deuxième opus, Herman
prend tout en main et préfère que les histoires se croisent naturellement, au détour
dune rue. Innovation bienvenue puisquelle permet dinsuffler une
fluidité à lensemble et de rompre ainsi avec laspect trop téléfilm des
" Ghost stories à sketches ". Les prochains épisodes garderont cette
trame jusquà Troublesome Night 5,
et seul le degré de lien entre les histoires variera. Petit à petit les histoires se
fonderont tellement quon assistera dès le sixième à une seule histoire, au grand
désespoir de ceux qui amortissaient leur achat à raison dun segment par soirée.
Véritable pilier de la série, Herman Yau quitte le navire au septième opus et passe le
relais à Nam Yin pour la réalisation. Lassé ou en désaccord avec la prod, les raisons
de son départ restent obscures. En revanche, les raisons de laffaiblissement de
qualité des Troublesome post-Herman
sont aussi claires que le jour. On ne remplace pas lex-king des Catégories III
comme ça !
Malgré tous ces changements, on nest jamais dépaysé. Les
sujets ont beau varié (antennes libres, industrie funéraire, voyages organisés,
paparazzis
), on retrouve facilement nos repères, même quand on nous promène aux
Philippines (Troublesome Night 4). La
mayonnaise prend à chaque fois, et sans exagérer, dès le générique. Cest le
fruit dune part dun casting assez fidèle connaissant donc bien la maison, et
dautre part de lexcellent travail du compositeur du thème musical. Mak
Chun-hung aka Brother Hung, sest forcément concerté avec des fantômes dans le but
de trouver les notes justes, celles qui donnent limpression que chaque rue de
Hong-kong est hantée. Aussi simple que captivante, sa mélodie apporte une remarquable
valeur ajoutée à la série. Imprégné de lunivers des fantômes, son travail est
exemplaire. Latmosphère qui sen dégage est absolument envoûtante, et nous
replonge en deux couplets dans lambiance Troublesome.
Les images ne pouvaient pas être mieux assistées : filmez une rue déserte, envoyez
la musique, et le tour est joué ! Jexagère à peine.
Concernant les acteurs, les plus fidèles seront Louis Koo, Simon
Lui, Frankie Ng Chi-hung, Law Lan et Wayne Lai Yiu-cheung. Le premier totalise
généralement des temps de présence plutôt faibles, mais renferme le plus grand
mystère ou possède souvent la clef de lénigme. Les deux derniers pourraient être
couronnés pour avoir sauvé le septième épisode du naufrage. Ils ont davantage la
possibilité dy dévoiler leurs talents. Ainsi, à défaut dêtre le meilleur
de la série, ce film nous offre deux performances à la fois opposées et inoubliables.
Quant à Simon Lui, il confirmera à travers toute la série quil fait partie des
meilleurs acteurs de lîle, et quil était en outre lacteur quil
manquait aux têtes bis de The Mission
(voilà, je lai placé !). Dans Troublesome
Night 2 &
4, entouré de ses deux acolytes, Wayne Lai Yiu-cheung & Cheung
Tat-ming, il est hilarant. Ce trio, formé à deux reprises, est un des meilleurs
souvenirs de la série (et du cinéma !). Dommage que Cheung Tat-ming ne repasse pas
voir ses potes dans les épisodes suivants. Enfin, Frankie Ng Chi-hung saccommodera
de petits rôles disons sympathiques, oscillant entre le " gros dur "
et le peureux très expressif, et ce pour le plus grand plaisir des amateurs de surjeu.
On peut regretter que des acteurs de la trempe de Jordan Chan et
Sam Lee naient pas été de la partie. Le numéro quil tenait dans Bio Zombie aurait parfaitement coller à
lambiance des Troublesome Night,
en particulier le quatrième. Jordan Chan est néanmoins un habitué des " Ghost
stories à sketches " puisquil a participé à la totalité de la série
des AM. Raison de plus dêtre
déçu !
Après
ça, on serait tenté daffirmer quun épisode des Troublesome sapparente à une sorte de Rolls Royce, quil ne reste
plus quà conduire. Et pourtant, comme je lai dit plus haut, le septième
prouve assurément le contraire. Alors que les suites perdent généralement de leur
intérêt au fil des épisodes, Herman Yau parvenait à maintenir lattention , tout
en respectant le cahier des charges, en essayant de varier lenvironnement de ses
films. Souvent accusé davoir fait ses choux gras de lactualité avec
notamment The Untold Story, il a
paradoxalement obtenu les faveurs de la critique, lannée dernière, pour avoir
justement traité avec intelligence un sujet difficile. Il ne serait pas déplacé de
penser quil avait mis les bases dans les Troublesome.
En effet, dénonçant tour à tour le tourisme sexuel et les excès de la presse people,
des sujets polémiques apparaissent en filigrane dans la série. Il passe donc
discrètement des messages sans oublier de nous distraire.