Acteur, réalisateur et scénariste, Lui Kei est peut-être l’artiste de Hong Kong dont la carrière a évolué de la manière la plus surprenante qui soit. D’abord acteur vedette, idole de toute une génération de teenagers (une sorte de Nicholas Tse des années 60), il deviendra par la suite réalisateur de films érotiques dont la vulgarité n’aura d’égale que la modicité de leur budget.

Originaire de la province de Guangdong, Lui Kei (aka Lu Chi, Lu Ki ou Tang Jue-min) est né en 1942 dans la ville de Toi Shan. A l’âge de 7 ans, il émigre vers Hong Kong et s’inscrit en 1958 au programme d’arts dramatiques de Chung Luen. L’année suivante, il signe un contrat d’exclusivité de cinq ans avec les studios de la Shaw Brothers. Il fait ses débuts à l’écran  en 1960 comme second rôle dans The Orphan in Distress, avant d’enchaîner la même année, en rôle principal cette fois-ci, dans Love and Chasity. Néanmoins, ces premières prestations ne lui permettent pas d’accéder immédiatement à la célébrité.

Dès 1964, il quitte provisoirement la Shaw Brothers, mais continue cependant sa carrière d’acteur au service de différents studios.C'est donc avec toute logique que Lui Kei fonde avec Ko Fung la "Ocean Film Co" en 1964, année où la section cantonaise de la Shaw Brothers ferme. Avec Romantic Lover en 1965, ils signent leur première production. Le succès est au rendez-vous. Il continue ensuite sur sa lancée et écrit son premier scénario avec Melody Of Love (1966).

Parallèlement, Lui Kei fonde en 1965 sa propre compagnie de production, la "21st Century Company", société qui lui permet d’écrire ses scénarios et de réaliser ses propres films. C'est ainsi qu'il scénarise et joue dans la comédie satirique Mr Know How. Il recommencera d'ailleurs à plusieurs reprises cette double étiquette. En 1966, il est pour la première fois associé à l’une des actrices cantonaises les plus populaires de l’époque, Connie Chan Po-chu, lors du film Movie Fan Princess.  Leur collaboration s’étendra sur plus de vingt films, la plupart tournés à la fin des années 60. Le succès est considérable et, de nos jours encore, ce véritable couple cinématographique demeure le plus connu de cette époque. En 1969, il occupe même le triple rôle d’acteur-réalisateur-scénariste sur Manli, I Love You, un musical, avec encore et toujours Connie Chan. C’est également à cette époque qu’il réalise deux de ses films les plus connus, Love with a Malaysian Girl (1969) et The Heart Stealer (1970).

Néanmoins, le début des années 70 est une période difficile, les films de et avec Lui Kei ne rencontrant plus le succès escompté. Il se lance alors dans des productions mandarines en créant la "Yingyi Film Co." au sein de laquelle il réalisa 3 films. Mais ce n'est toujours pas ça, et en 1973, désireux de relancer sa carrière, il retrouve ses racines à la Shaw Brothers et opère l’un des virages les plus étonnants de l’histoire du cinéma hongkongais. Du jour au lendemain, il gagne la réputation de numéro un des pourvoyeurs d’ébats sexuels cinématographiques avec des films tels que Sexy Girls of Denmark, The Hookers and the Hustlers, Girls for Sale, The Stud and the Nympho ou encore Starlets for Sale, son plus gros succès aux box-office (il fut classé dans le top 10 de l’année 1977). Si ses films sont régulièrement conspués par les critiques locales pour leur vulgarité sans limite, force est néanmoins de constater que Lui Kei aborde le genre de manière très personnelle, n’hésitant pas à créer des personnages féminins indépendants et forts, chose relativement rare pour l’époque.

Après avoir réalisé son dernier film en 1987, Lui Kei s'en est parti à Taiwan. Riche d’une filmographie composée de près de 80 films en tant qu’acteur et de 29 films en tant que réalisateur, il quitte l’industrie du cinéma en 1987 et se retire à Taïwan  après avoir réalisé The Seductress. En 1992, Tony Leung Ka-fai lui rend hommage en jouant un personnage prénommé Lui Kei dans The Legendary la Rose Noire, une parodie du cinéma HK des années 60. On peut enfin signaler qu'il fut à l'origine du succès des actrices Miao Chia Li, Ai Di et de sa seconde épouse Lin Dai.

Stéphane Jaunin & Jean-Louis Ogé

Sources : HKMDB