Histoire
: Un
jeune chevalier se trouve mêlé à un mouvement
de rébellion
mené par des villageois contre un puissant
et féroce seigneur.
Critique
de David-Olivier :
Un
film de Chang Cheh première période, réalisé
à une époque où il était encore
en train de chercher son style. Beaucoup de ses futurs "tics"
sont pourtant déjà là : fascination pour
la violence et les flots de sang, mise à mal physique
des héros (torturés, battus, trahis, humiliés),
esprit de chevalerie exacerbé et amitié virile
(tout est dans le titre : The Magnificent Trio !).
Même
si l'on est assez éloigné des oeuvres majeures
d'un des plus grands et célèbres réalisateurs
de la Shaw Brothers, il serait dommage de passer à côté
des qualités de Magnificent Trio. Nous sommes
encore en 1966 et le genre du wu xia pian est à (re)construire.
Quelques metteurs en scène vont s'y atteler, tels King
Hu ou Chang Cheh, et établir malgré eux les principaux
codes du genre. En hommes de métier intelligents et créatifs,
ils ne vont pas tarder à livrer les premiers grands classiques.
Le scénario de The Magnificent Trio est intéressant
sans être renversant. Des trois personnages qu'il prend
pour héros (ceux du titre), seul celui campé par
Lo Lieh est réel
lement digne d'intérêt :
une fois encore, cet excellent acteur disparu en novembre 2002
joue un personnage ambigu et vole la vedette au tout jeune Jimmy
Wang Yu (exactement le même phénomène que
dans le Temple Of The Red Lotus de Chui Chang Wang -
supervisé par Chang Cheh - réalisé 13 mois
auparavant). Là où le premier est inquiétant
et psychologiquement complexe, l'autre n'est à nouveau
qu'un jeune homme fougueux au sens moral très pur et
chevaleresque... On serait presque heureux de le voir se faire
torturer suite à la trop grande confiance qu'il a accordée
au méchant seigneur !
Les
scènes d'action sont nombreuses mais l'on est encore
loin du style des glorieuses et flamboyantes années 70.
On les trouvera au choix stylisées, bien lentes ou ennuyeuses
à mourir. Comme dans tout film de Chang Cheh qui se respecte,
l'hémoglobine est présente en quantité
plus que suffisante : de la jeune-fille qui s'empale d'elle-même
sur le sabre d'un soldat, aux flèches criblant le corps
d'un héros en passant par les victimes des combats, on
a droit à un florilège de morts violentes et spectaculaires...
L'intérêt principal
qu'on peut aujourd'hui porter à The Magnificent
Trio est historique. On est plus en face d'un immense
cinéaste en devenir que d'un vrai maître au sommet
de son art.
Critique
de Philippe :
Réalisé
en 1966, juste après Tiger
Boy qui commençait déjà à révolutionner le genre, ce Magnificent
Trio fait rentrer le cinéma du Cheh dans une nouvelle ère.
Jusqu’alors plutôt sage, le wu xi pian commence à prendre
une dimension plus turbulente, la violence graphique commence,
sagement, à faire son apparition, et les fragments de l’héroïsme
homosexuel caractérisant son œuvre apparaissent sous plusieurs
aspects.
Chang
Cheh est un cinéaste viscéral, au-delà des simples principes d’éthique
affublant son œuvre d'une sorte de manifeste de la souffrance
physique, il est également un grand humaniste aimant se placer aux côtés
des opprimés et des braves gens. Il aime la justice dans ce qu’elle
a de plus noble et donne à la chevalerie un champ d’expression
unique.
Les
personnages de ce film sont magnifiques dans leur allure. Wang Yu, le
futur sabreur manchot, avance le torse bombé dans un magnifique habit
blanc, Lo Lieh vêtu en noir, l’œil prédateur et la carrure
animale de Chin Ping. Ils représentent le fameux trio qui lèvera
l’épée contre l’oppresseur, l’illustration formidable de la
chevalerie qui jalonnera l’œuvre de l’ogre et inspirera un cinéaste
comme John Woo.
Nous sommes là dans un wu xia pian première période, la narration
est assez lente, les combats ne sont pas très nombreux, on y parle
beaucoup des actes et l’action n’est pas encore vraiment au
premier plan. Les joutes sont assez lentes, un peu comme dans le
chambara japonais qui inspira d’ailleurs beaucoup les premières œuvres
de Chang Cheh, et la violence orgasmique et gore qui caractérisera
plus tard un New One-armed
Swordsman ou un Deadly Duo
n’est présente que très rarement, le temps de s’attarder
furtivement sur une plaie ouverte ou sur un visage tordu de douleur.
Malgré
tout on commence sérieusement à entr’apercevoir les premiers
fragments de la touche Chang Cheh, les quelques scènes de torture,
l’obsession masochiste à faire souffrir ses héros, la pureté (le
blanc) souillée par le sang, l’amitié passionnelle qui tend à
l’homosexualité, tout ce qui fera son œuvre future.
Un très
bon film donc, à voir pour découvrir l’œuvre de l’un des trois
plus grands auteurs du film de chevalerie. (Philippe, Juin 2003)
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